Le quatrième et dernier patient implanté d'une prothèse du cœur artificiel Carmat est mort, a-t-on appris dans la nuit de mercredi à jeudi. Selon nos informations, il serait mort "moins d'un mois" après son opération le 22 décembre. Mais c'est (pour l'heure) loin d'être un échec pour la société française. D'une part, le cœur artificiel n'est ni en cause dans la mort de ce quatrième patient, ni dans celle du troisième. D'autre part, la société française assure désormais avoir terminé la phase de "faisabilité" du cœur artificiel. Cette première période d'expérimentation ouvre la voie à l'autorisation, par les autorités sanitaires européennes, d'une plus vaste phase de tests, appelée phase "pivot", nécessaire à une éventuelle commercialisation. Décryptage.
Qu'est-il arrivé aux quatre patients ? Le premier patient, greffé en décembre 2013 avec le cœur bioprothétique de Carmat, était décédé 74 jours après l'opération menée à Paris, à l'âge de 76 ans. Le deuxième, âgé de 69 ans, était mort en mai dernier, neuf mois après avoir été greffé à Nantes et quatre mois après être rentré chez lui. Ces deux décès avaient été causés par une "micro-fuite de la zone sang vers le liquide d'actionnement de la prothèse", ayant engendré une "perturbation de l'électronique de pilotage des moteurs" du coeur artificiel, selon les analyses de Carmat. En clair, pour ces deux premiers patients, la fiabilité du cœur artificiel était bien en cause. La société française décide alors de mettre en œuvre d'importantes mises à jour.
Le troisième patient, lui, est subitement mort d'un arrêt respiratoire le 18 décembre, soit huit mois après sa greffe. Mais la prothèse n'est pas impliquée dans sa mort, qui était, cette fois, liée à une insuffisance rénale chronique. Cet homme de 74 ans était rentré à son domicile fin août, après avoir été greffé du cœur artificiel le 8 avril à Strasbourg.
Le quatrième patient décédé a, pour sa part, succombé à des "complications médicales", a-t-on appris dans la nuit. Le patient, âgé de 58 ans, souffrant de défaillance bi-ventriculaire sévère, avait été opéré le 22 décembre par l'équipe de l'hôpital de La Pitié Salpêtrière. Il serait mort moins d'un mois après. "L'implantation s'est déroulée tout à fait convenablement et la prothèse a donné toute satisfaction tout au long de son fonctionnement. Le patient est décédé de complications médicales non liées à la prothèse", a déclaré le professeur Pascal Leprince, chef du service de l'institut de cardiologie à l'hôpital de la Pitié-Salpétrière, cité dans un communiqué de Carmat.
Que va-t-il se passer maintenant ? Pour parvenir à clôturer la première phase de test, la phase de "faisabilité", Carmat devait faire un test sur quatre patients et faire en sorte que trois d'entre-eux survivent au moins 30 jours. C'est désormais chose faîte. "Au terme de cet essai, le système Carmat cumule une expérience clinique de 21 mois de fonctionnement. Carmat prépare l'essai clinique pivot", martèle la société. L'entreprise française devrait alors être autorisée à mener une plus vaste série de tests : des greffes sur une vingtaine de patients, avec des objectifs de survie sur 180 jours. Cette phase de test dite "pivot" est nécessaire pour espérer commercialiser le cœur artificiel Carmat, le plus évolué du monde. La société attend désormais le feu vert définitif des autorités, et notamment de l'ANSM, l'agence du médicament. Selon nos informations, même si Carmat a rempli ses objectifs, l'ANSM pourrait être particulièrement tatillonne, notamment à cause de l'accident mortel de la semaine dernière à Rennes, lors d'un essai clinique sur un médicament anti-douleurs et troubles (qui n'avait rien à voire avec Carmat).
Au-delà de l'aspect médical, l'enjeu financier est colossal pour la société française et ses investisseurs (dont la banque publique BPI Fracnce, qui a investi près de 40 millions d'euros) : Carmat était déficitaire de plus de huit millions d'euros mi-2015. L'accès à cette nouvelle phase de tests devrait attirer de nouveaux investissements, publics comme privés. L'action Carmat, d'ailleurs, prenait 12% jeudi à 18h, après l'annonce du quatrième mort et donc, de la fin de la phase de "faisabilité".