Certaines peurs nous empêchent d'entrer pleinement dans la vie d'adulte. 7:44
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Antoine Terrel
Invité mardi de "Sans rendez-vous", le psychologue-clinicien Eudes Séméria a détaillé les quatre peurs qui, selon lui, empêchent de nombreux adultes de vivre pleinement leur vie. Le plus souvent, ces peurs traduisent une difficulté à s'extraire de l'enfance et de sa relation avec ses parents.
ANALYSE

Pour chacun, le quotidien peut être rythmé par des angoisses passagères, des phobies qui se manifestent, etc. Mais d'autres passent plus inaperçues et ont pourtant des conséquences bien plus importantes sur notre vie et son bon déroulé. C'est ce qu'explique dans son dernier livre, Les quatre peurs qui nous empêchent de vivre, le psychologue-clinicien Eudes Séméria. Invité mardi de Sans rendez-vous, sur Europe 1, il présente ces quatre peurs : la peur de grandir, de s'affirmer, d'agir, et d'être seul.

La peur de grandir

Cette peur s'explique notamment par la découverte de la réalité de l'âge adulte, souvent fantasmé quand on est enfant. Cette vie, "on l'imagine un peu sur les schémas de l'enfant, on se dit qu'on va faire ce qu'on veut. L'enfant est sans limite", explique Eudes Séméria. Or, ajoute-t-il, "devenir adulte, c'est se heurter à des limites et les accepter". 

Et quand on prend conscience de ces limites, "on prend aussi conscience des limites existentielles", ce qui provoque une nouvelle peur. Ces limites existentielles sont "la mort, la solitude, le sens (quel est le sens de ma vie ?) et la responsabilité". Tant de choses auxquelles auxquelles nous n'avons pas à penser, enfant. 

Ces peurs trouvent souvent leur origine dans l'enfance. Par exemple, les insomniaques reproduisent le cas d'un enfant qui n'arrive pas à faire ses nuits. "Ils sont encore dans cette peur de s'arrêter, car aller se coucher, c'est être seul, dans le noir, confronté à ses peurs existentielles."

Autre exemple, les troubles de l'alimentation peuvent parfois trouver leurs origines dans une peur de devoir assumer son corps d'adulte. Dans le cas de l'hyperphagie, par exemple, "manger sans limite est une manière de rester dans son immaturité", tandis que l'anorexie va être "le refus d'un corps qui est toujours trop grand et gros, comme si on acceptait pas ce développement qui menait à la vie d'adulte". 

La peur de s'affirmer

La deuxième peur identifiée par l'invité d'Europe 1 est la peur de s'affirmer, d'occuper une case, un rôle dans la société. Or, selon lui, "il faut se mettre dans une case, ne serait-ce que pour avoir la possibilité d'en changer". "C'est la peur de déclarer qui on est plutôt que rester dans la position de l'enfant qui est floue." Car, les enfants, eux, "vivent dans l'indétermination" et il est parfois tentant de rester dans cet état. 

Cette peur de s'affirmer se traduire par l'auto-dévalorisation et le fameux syndrome de l'imposteur. "Si j'accepte mes réussites, ça me fait sentir que j'existe, et ça m'engage", explique Eudes Séméria. Or, "quand on pas quitté l'enfance, on a peur de s'engager". 

Mais comment sortir de ce refus de l'affirmation ? On peut déjà commencer par changer sa relation avec ses parents, en apprenant a être avec eux d'adulte à adulte, conseille le psychologue. "Ce sont vos parents qui vous ont déterminé comme enfant à la naissance (…) il faut sortir de ce statut et donc trahir cette loyauté absolue qui va devenir une loyauté relative." 

Car beaucoup de jeunes adultes peinent à sortir de cette loyauté absolue, par exemple en hésitant à s'engager pleinement dans une relation sentimentale, par peur de "trahir" ses géniteurs. 

La peur d'agir 

La peur d'agir, elle aussi, remonte à l'enfance. "Cela se rapporte à une action un peu vide dans laquelle on se met quand on est petit, et qui n'engage à rien", quand à l'inverse, agir, "c'est déjà s'engager sur la ligne droite de la vie qui mène à la mort", indique Eudes Séméria. 

"Quand on ne veut pas agir, on entraine des réactions comme la procrastination ou la rumination", poursuit l'invité d'Europe 1, et on a tendance à déléguer ses choix aux autres. Mais "il ne faut pas que ce soit systématique", prévient Eudes Séméria. "Si vous déléguez sans arrêt, vous ne vivez pas votre vie."

Plus concrètement, cette peur d'agir peur se retrouver dans les relations sentimentales, quand on guette l'approbation de ses parents avant de s'engager en couple, tandis que d'autres vont sans cesse demander de l'aide à leur conjoint pour les tâches administratives. "Pour les comptes, les finances, il ne faut absolument pas déléguer au conjoint", indique Eudes Séméria. "C'est une demande infantile et c'est ce qui détruit la plupart des couples."

La peur d'être seul

"Quand l'enfant vient au monde, il ne peut survivre que s'il ne s'attache à un adulte", rappelle l'invité d'Europe 1. "Mais pour continuer sa vie, après, il faut se détacher, prendre conscience qu'on est seul dans sa tête, et le supporter, le dépasser." 

Ces personnes qui ont peur d'être seules auraient paradoxalement du mal à dire "je t'aime", selon ce spécialiste, qui explique : "C'est encore une question de loyauté. Il s'agit de ne pas trahir ses parents, son origine, sa base de sécurité."

Pour mieux gérer cette peur d'être seul, Eudes Séméria donne une règle en trois points, notamment pour prendre du champ vis-à-vis de ses parents: "Pas de plainte, pas de conseil, pas de reproche". Soit trois choses "qui entretiennent une relation fusionnelle, et presque un harcèlement". Par exemple, une jeune femme de 30 ans qui appellerait sa mère tous les jours, "si elle enlève la plainte, les conseils et les reproches, qu'est ce qui reste ? Quelque chose de beaucoup plus authentique, qui nous sort de ce ronronnement qui nous enferme dans la relation."