L’étude parle d’une "arrivée massive". Un tiers des nouveaux chirurgiens-dentistes inscrits à l'Ordre en 2015 ont obtenu leur diplôme à l'étranger, révèle une enquête du ministère de la Santé présentée mardi. Près de 500 nouveaux praticiens formés à l’étranger ont ainsi démarré leur activité en France début 2016, soit 31% du total des nouveaux inscrits à l’Ordre national des chirurgiens-dentistes (contre 5% en 1999) cette année-là. Des chiffres qui soulèvent une question : comment s’assurer que ces praticiens diplômés hors de France ont reçu une formation de qualité ?
D’où viennent les nouveaux diplômés ?
"L’Union européenne est la principale pourvoyeuse de diplômés hors de la France. Selon l'Ordre, 46% des diplômés étrangers inscrits en 2015 ont obtenu leur diplôme en Roumanie, 22% en Espagne, 17% au Portugal", cite la Drees. Les Belges, également, semblent arrivés en force, puisqu’environ 41% des nouveaux diplômés arrivés en 2015 ont été formés outre-quiévrain.
Y a-t-il des Français parmi les personnes diplômées à l'étranger ? Tout porte à croire que oui. "Nous n’avons pas encore d’études précises sur la question. Mais depuis quatre ans, environ un millier de Français sont partis se former à l’étranger. Et nous en voyons beaucoup revenir exercer en France, probablement la grande majorité", indique à Europe 1 Myriam Garnier, secrétaire générale de l’Ordre national des chirurgiens-dentistes (ONCD).
Dans les universités françaises, le numerus clausus est fixé à 1.200 chaque année. En clair, pas plus de 1.200 nouveaux étudiants accèdent aux études dans les universités françaises chaque année. Les recalés peuvent ensuite partir se former à l’étranger, pour espérer revenir exercer en France, où les zones "en tension", fortement dépourvues en praticiens, sont encore nombreuses : alors que certains départements comptent plus de 93 praticiens pour 100.000 habitants, d’autres en recensent tout juste 40 (la carte ici).
Comment sont reconnus les diplômes étrangers ?
Depuis une directive de 2005, les pays de l’Union européenne mettent en pratique une "reconnaissance automatique" des diplômes. En clair, chaque diplômé en chirurgie-dentaire de n’importe quelle université reconnue par l’un des 27 Etats membre de l’Union peut exercer en France. Seule condition : maîtriser le Français. Il a ensuite droit aux mêmes incitations financières et/ou fiscales pour s’installer dans des zones en tension. "Certains conseils départementaux offrent même des bourses pour aller se former à l’étranger, sous condition que les étudiants reviennent exercer en France dans une région dépourvue", ajoute la secrétaire générale de l’ONCD.
" Nous n’avons absolument aucune capacité d’investigation pour savoir ce qu’il se passe dans leurs universités "
Pour les non-Européens, en revanche, il faut passer devant une commission d’experts mandatée par le ministère de la Santé. Dans ces cas-là, peu importe l’université d’obtention du diplôme : c’est à chaque candidat de prouver sa compétence afin d’obtenir une "équivalence", un document attestant que le praticien a bien le niveau requis pour exercer en France. "Mais c’est très minoritaire. L’extrême majorité des diplômés de l’étranger vient de l’Union européenne. Les non-Européens ne représentent pas plus de 25 cas au total", précise Myriam Garnier.
Que sait-on des formations délivrées en Europe ?
La directive de 2005 de l’Union européenne impose un minimum de 5.000 heures de cours sur cinq années, et certaines matières obligatoires, pratiques et théoriques. Mais à part ça, il n’y a pas vraiment d’homogénéité. Et certains chiffres sont pour le moins inquiétants. L’an dernier, une étude de l’association européenne des étudiants en chirurgie-dentaire réalisée dans le cadre d’une thèse relevait que 10% des nouveaux diplômés européens n’avaient… jamais vu un patient pendant leurs études (l’étude ne précisait pas les pays les plus concernés, afin de ne pas se voir fermer les portes des universités de ces pays). Pour l’instant, aucun scandale ne semble avoir éclaté. Mais l’essor des flux migratoires entre diplômés préoccupe les professionnels.
"Depuis environ quatre ans, ces flux sont en plein boom. Dans des pays comme la Roumanie ou l’Espagne, il n'y a pas de numerus clausus, c'est pour ça que les études sont faciles d'accès. Résultat : de nombreux praticiens se retrouvent au chômage dans leur pays et vont tenter leur chance ailleurs. Le problème, c’est que nous n’avons absolument aucune capacité d’investigation pour savoir ce qu’il se passe dans leurs universités", explique Myriam Garnier. Qui poursuit : "Après cette étude (celle des étudiants européens ndlr), nous sommes allés voir la commission européenne pour demander une directive plus précise concernant les formations, pour que les nouveaux diplômés aient au moins une expérience clinique au fauteuil. Mais nous n’avons pas eu de réponse pour le moment".
En attendant cette directive, pourquoi ne pas augmenter le numerus clausus dans les universités françaises ? "Le risque serait trop grand de se retrouver à l’avenir comme l’Espagne ou la Roumanie, avec un trop grand nombre de diplômés au chômage dans quelques années", répond la secrétaire générale de l’ONCD. L’installation des chirurgiens étant libre, en effet, le risque serait de se retrouver avec des régions encore plus pourvues en praticiens, et d’autres toujours aussi dépeuplées. Les regards sont donc désormais tournés vers Bruxelles.