Les cancers de la prostate liés à l'exposition au chlordécone, un pesticide largement utilisé pendant des décennies aux Antilles, sont désormais reconnus comme maladie professionnelle, selon un décret publié mercredi au Journal officiel. "Le terme 'pesticides' se rapporte aux produits à usages agricoles et aux produits destinés à l'entretien des espaces verts (produits phytosanitaires ou produits phytopharmaceutiques) ainsi qu'aux biocides et aux antiparasitaires vétérinaires, qu'ils soient autorisés ou non au moment de la demande", selon le décret.
Faciliter l'indemnisation des victimes
Les travaux exposant habituellement aux pesticides sont effectués "lors de la manipulation ou l'emploi de ces produits, par contact ou par inhalation", "par contact avec les cultures, les surfaces, les animaux traités ou lors de l'entretien des machines destinées à l'application des pesticides", précise le texte. Cette mesure, destinée à faciliter l'indemnisation des victimes, s'inscrit dans une série d'actions menées par l'Etat dans ce dossier extrêmement sensible depuis des années aux Antilles et qualifié de "scandale environnemental" par le président Emmanuel Macron.
Le chlordécone a été autorisé entre 1972 et 1993 dans les bananeraies des Antilles et a infiltré les sols pour des centaines d'années, polluant eaux et productions agricoles, alors que sa toxicité et son pouvoir persistant dans l'environnement étaient connus depuis les années 1960.
Plusieurs conditions nécessaires
Le décret publié mercredi avait été annoncé à l'automne par le ministre de l'Agriculture Julien Denormandie. Il ouvre aux agriculteurs concernés un fonds créé en 2020 et destiné à indemniser les personnes atteintes de maladies liées aux pesticides. Dans le détail, tous les exploitants ou salariés agricoles pourront demander ce statut à deux conditions : qu'ils aient travaillé pendant au moins dix ans au contact du chlordécone, et que moins de quarante ans se soient écoulés entre leur dernière exposition et le diagnostic de cancer de la prostate.
Ce sont les "durées généralement admises pour ce type de cancer", avait expliqué récemment le ministère de l'Agriculture. Les personnes exposées moins de dix ans pourront tout de même faire une demande au niveau d'une commission régionale, avait-il précisé. Le gouvernement s'est abstenu d'estimer combien de personnes pourraient être concernées par ces indemnisations. Il ne s'est pas non plus avancé sur le montant total.
"Ca va dépendre du nombre de dossiers qui vont être déposés", a expliqué le ministère, précisant que le décret permettait aussi d'indemniser les enfants exposés lors d'une grossesse. "On ne peut pas préjuger en amont du nombre de victimes", a-t-il insisté, indiquant qu'au niveau individuel, les indemnisations représenteraient entre 1.000 et 19.000 euros par an environ pour un exploitant agricole. Plus de 90% de la population adulte en Guadeloupe et en Martinique est actuellement contaminée par le chlordécone, selon Santé publique France.