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Julien Pearce, édité par Rémi Duchemin
Une étude du CHU de Rennes, établie à partir d’un très large panel, montre les liens entre les cadeaux des laboratoires et les prescriptions des médecins généralistes. Et ce n’est pas sans conséquence pour les comptes de la Sécu, comme pour la santé des patients.

C'est une étude qui risque de faire beaucoup parler. Elle est signée de médecins, de chercheurs et ingénieurs de l'université et du CHU de Rennes. Elle tend à montrer un lien entre les cadeaux des laboratoires pharmaceutiques et les prescriptions des médecins généralistes. Ces derniers reçoivent des cadeaux et ont tendance à faire "des prescriptions plus chères et de moindre qualité", conclut cette étude dirigée par un médecin généraliste de Rennes.

Pour arriver à ces conclusions, les auteurs ont pris un panel très large, composé de 41.000 médecins généralistes travaillant exclusivement en France et en libéral. Ils ont divisé le tout en deux groupes, d’un côté ceux qui n'ont pas reçu de cadeaux au cours de l'année 2016 - seulement un tiers du panel - et ceux qui en ont reçus. Et les cadeaux, cela va du tapis de souris ou du mug, jusqu'au voyage fastueux à plusieurs millier d'euros.

Des prescriptions plus longues et plus chères

Les auteurs de l'étude ont ensuite comparé les ordonnances délivrées par les deux groupes. Et ils se sont rendus compte que les médecins généralistes qui reçoivent des cadeaux ont la main plus lourde. Leurs ordonnances coûtent en moyenne 5 euros de plus à l'Assurance Maladie que celles prescrites par les généralistes ne recevant pas d'avantages. Ces derniers privilégient les médicaments génériques, moins chers et donc moins coûteux pour la Sécu.

Autre enseignement de cette étude : les médecins généralistes qui reçoivent des cadeaux ont tendance à prescrire davantage et plus longtemps des médicaments tels que les antidépresseurs ou les statines, dont l'usage est déconseillé par l'Assurance Maladie. En clair, selon cette étude, les médecins qui reçoivent des avantages des labos pharmaceutiques prescrivent plus… et moins bien.

"Cette étude est faussée"

Cette étude n'a pas plu à Jean-Paul Hamon, le président de la Fédération des médecins de France, qui a appelé Europe 1 pour faire part de son indignation. "Je la conteste largement, d’abord parce que cette étude montre que les sur-prescriptions pharaoniques sont de... cinq euros, excusez du peu", a d'abord ironisé le médecin. "Deuxièmement, cette étude est faussée depuis la fameuse loi qui a été imposée par Aquilino Morelle - vous savez, le roi du cirage de chaussures à l’Elysée - qui nous a obligés à déclarer les stylos, au-delà de dix euros si on recevait un cadeau de l’industrie pharmaceutique."

Pour illustrer son propos, Jean-Paul Hamon a cité son exemple personnel. "Moi, je n’ai pas croisé un laboratoire depuis plus de quinze ans", a-t-il assuré. "Or, sur mes conflits d’intérêt depuis cette fameuse loi, je dois être crédité de 300 euros. Pourquoi ? Parce que je suis allé deux fois au Printemps de Bicètre qui est organisé par l’université de Kremlin-Bicêtre destiné aux maîtres de stage. Or, cette réunion, vu les moyens de l’université, est sponsorisé par l’industrie."