Alors que les fêtes s’éloignent, certains d’entre nous ont pris de solides résolutions, notamment pour ménager le foie qui, selon la croyance populaire, est l’organe qui a le plus souffert à l’occasion de repas souvent surchargés ou de soirées trop arrosées. Les invitations à suivre des cures "detox" de ce précieux organe sont ainsi légion, en pharmacie et sur internet. Leur efficacité n’est pourtant pas prouvée scientifiquement, et les hépatologues préfèrent vanter les mérites d’une alimentation saine. Alors que ces spécialistes comptent tirer la sonnette d’alarme sur les maladies du foie lundi à l’occasion du congrès "Paris hepatholgy", Europe 1 fait le point sur les moyens d'épargner cet organe impliqué dans plus de 300 fonctions vitales.
Le foie, ça sert à quoi ?
A beaucoup de choses, donc. Pour simplifier, le foie, organe le plus volumineux du corps, fait d’abord office de filtre, puisqu’il sert à transformer et rendre inoffensives les toxines que nous respirons, comme le tabac, que nous mangeons, comme les graisses ou le sucre, ou que nous buvons, comme l’alcool. "C’est une usine d’épuration", résume au Figaro l’hépatologue Gabriel Perlemuter, chef du service d’hépato-gastro-entérologie et nutrition à l’hôpital Antoine-Béclère à Clamart. "Toutes les matières premières issues de notre alimentation transitent par cet organe, qui les transforme en produits indispensables au fonctionnement du corps. Et comme toute usine, il produit des déchets qu’il se charge d’éliminer par la suite", explique encore l’auteur de Les pouvoirs cachés du foie.
Le foie n’est pas invulnérable. Le foie remplit ensuite un rôle de synthèse, en permettant la production de bile et à des enzymes indispensables à la bonne digestion. Enfin, il permet aussi de stocker des vitamines et de glycogène (un glucide), qu’il met à disposition de l’organisme. Le foie est aussi célèbre pour ses capacités auto-régénératrices. Ainsi, dans le cas d’une transplantation d’un donneur vivant, le bénéficiaire comme le donneur voient leur foie endommagé se régénérer en un foie complet.
Cela dit, le foie n’est pas invulnérable. Une alimentation trop grasse, trop sucrée, mais aussi la consommation abusive d’alcool peuvent l’abîmer et entraîner des maladies plus ou moins graves, jusqu’à une cirrhose et un cancer du foie. C’est l’objet de la conférence de presse tenue lundi par des hépatologues depuis le Palais des congrès de Paris. C’est aussi l’argument de ceux qui vantent (et tentent de vendre) des cures détox.
Les cures détox du foie, ça marche ?
En gélules, en ampoules, en tisanes, à base de jus de citron, d’artichauts ou de curcuma… Les cures détox du foie sont non seulement nombreuses, mais elles sont aussi diverses. Une explication à cela : aucune étude scientifique sérieuse n’a pu établir l’efficacité d’une cure ou d’un aliment précis pour le foie. "Cela ne sert à rien", tranche même Dominique Thabut, gastro-entérologue et hépatologue à la Pitié-Salpêtrière, jointe par Europe 1.
" Les gens se mettent dans une ambiance detox, ce qui influence leur hygiène de vie, et ça c’est bien "
Une seule solution est efficace : mettre en place "des mesure hygiéno-diététiques", comme l’explique le professeur Patrick Marcellin à Europe 1. "Pour éviter d’avoir un foie qui souffre, il faut donc manger équilibré, éviter la surcharge pondérale, faire de l’exercice", explique encore cet hépatologue, en poste à l’hôpital Beaujon de Paris.
Dans cette optique, les cures detox peuvent avoir une vertu : "Les gens se mettent dans une ambiance detox, ce qui influence leur hygiène de vie, et ça c’est bien", admet la professeure Dominique Thabut.
Que risque le foie en cas d’abus ?
Le problème principal du foie, c’est qu’il n’est pas innervé, et donc ne prévient pas par la douleur quand il est endommagé. "Comme les maladies du foie sont des maladies silencieuses, elles sont généralement non diagnostiquées ou le diagnostic est fait tardivement, au stade de complications", déplore le Dr Patrick Marcellin. Résultat, environ 20% des Français ont un foie malade sans le savoir.
" Un dépistage est vraiment indispensable pour savoir si son foie va bien ou s’il souffre "
La pathologie la plus fréquente - et en pleine expansion - est la statéo-hépatite non alcoolique, dite Nash, plus connue sous le nom de "maladie du foie gras" ou "maladie du soda". Elle résulte d’une alimentation trop grasse et/ou trop sucrée. A terme, la Nash peut entraîner des diabètes de type 2 et, encore plus grave, des cirrhoses et des cancers du foie, dont la mortalité approche les 80%.
Pourtant, son dépistage est très simple, via un test mesurant le taux de transaminases ou de Gamma GT dans le sang. "Un dépistage est vraiment indispensable pour savoir si son foie va bien ou s’il souffre", réclame Patrick Marcellin. "Mais le problème, c’est le manque d’information du public. C’est une méconnaissance du foie en général de la part des personnes mais aussi une méconnaissance des médecins, qui ne pensent pas toujours à faire ces tests hépatiques. Et il n’y a pas de programme de santé publique qui soit vraiment axé sur le dépistage des maladies du foie", regrette l’hépatologue. Alors même que les pathologies sont parmi les plus fréquentes.