C'est l'une des conséquences moins connues de la crise sanitaire provoquée par l'épidémie de coronavirus. Les troubles alimentaires sont en forte hausse, notamment chez les femmes de moins de 30 ans. Une situation inquiétante, selon les spécialistes, qui constatent une hausse de 30% des consultations. D'autant que les services spécialisés sont déjà pleins et doivent gérer l'afflux de patients en s'adaptant pour tenter de suivre chacun au mieux.
L’an dernier, lors du premier confinement, Marie, étudiante en première année de géographie de 19 ans, a perdu tous ses repères. Et ça a déclenché une boulimie. "Avant le confinement, j'avais une routine, un emploi du temps. Je me levais le matin, j'allais au lycée, je mangeais à midi en ville avec des amis. Mais le confinement m'a empêchée de faire tout ça et a laissé place à tout ce stress et cette anxiété qui m'atteignent parfois", témoigne-t-elle au micro d'Europe 1.
"Des situation détériorées pendant des mois à la maison"
"Il y a une période où je prenais un repas et je le vomissais dans l'heure qui suit", se souvient encore Marie, dont le poids est descendu jusqu'en dessous des 45 kilos. "Le fait de vomir me soulageait", confie la jeune femme.
Et Marie est loin d’être un cas isolé. "C'est un fait, les troubles du comportement alimentaire ont énormément augmenté dès le début du premier confinement. Et au sortir de la deuxième vague, on a vu arriver des situations qui s'étaient détériorées pendant des mois à la maison", confirme Marie-Rose Moro, pédopsychiatre et cheffe de service à la Maison de Solenn, la maison des adolescents de l'hôpital Cochin. Selon elle, cette situation touche surtout "les grands adolescents et les jeunes adultes".
De nombreuses personnes en liste d'attente
Depuis le début de la crise, les services spécialisés font face à un afflux de patients. Ainsi, à l’Institut Montsouris à Paris, dans le service psychiatrie de l’adolescent et du jeune adulte, les 30 lits sont occupés, tandis qu'une vingtaine de personnes sont en liste d’attente.
Maurice Corcos, qui dirige le service, est obligé d’adapter la prise en charge des patients. "Nous assistons à des demandes de plus en plus nombreuses de patients qui sont beaucoup plus maigres et qui nécessiteraient des hospitalisations. Or, comme nous n'avons pas de place, nous les gérons en consultation avec nos collègues comme les médecins généralistes", indique-t-il. Et de prévenir : "Ça tient, mais il ne faudrait pas que ça dure trop longtemps."
Anorexie, boulimie... "les deux sont aussi inquiétants"
Cette augmentation des troubles alimentaires s'explique par un manque de repères, de relations sociales mais aussi, selon Valentin Flaudias, psychologue spécialisé à Clermont-Ferrand, par un sentiment d’impuissance face à la crise sanitaire. "Dans une période où on a peu de contrôle, l'alimentation reste une chose qu'on peut contrôler, qui est rassurante", explique-t-il. "Chez certaines personnes, l'alimentation permet de gérer le stress et donc peut potentiellement déclencher un trouble de conduites alimentaires."
"Dès qu'il y a un stress, dès qu'il y a quelque chose d'inquiétant, une des manières de réagir face à cette question est de contrôler sa nourriture", abonde Marie-Rose Moro. "On sent que tout nous échappe, que plus rien n'est comme avant, et on essaye de se rattacher à ce qui nous reste : le corps et le rapport à la nourriture. Soit on contrôle et là, c'est l'anorexie, soit on n'arrive pas à contrôler nos impulsions et là, ce sont des comportements boulimiques. Les deux sont aussi inquiétants."
Selon Valentin Flaudias, la fin de la crise n’apportera pas forcément un répit. Car un déconfinement, c’est la reprise d’une vie sociale et donc, pour certains, le retour du regard des autres, qui peut être source de peur et de stress.