La France entame ce vendredi son deuxième mois de confinement pour limiter la propagation du coronavirus. Le 11 mai, la déconfinement devrait commencer, mais avec précaution pour éviter une deuxième vague. Pour la première fois, cependant, le nombre d'hospitalisations est en baisse, avec 513 patients en moins sur les dernières 24 heures. Le Professeur Gabriel Steg, chef du service de cardiologie à l'hôpital Bichat à Paris et coprésident du Comité de pilotage recherche Covid-19 de l'AP-HP, appelle néanmoins à la prudence, jeudi sur Europe 1.
"S'il devait y avoir un rebond on serait mort"
"C'est le reflet de l’efficacité du confinement pour essayer d'aplatir la courbe des hospitalisations et des entrées en réanimation. C'est une bonne nouvelle, mais en même temps on est à un plateau du nombre de cas, pas dans une descente. Les réanimations sont pleines à un niveau très haut, le double ou triple du chiffre normal. Les personnels de réanimation sont épuisés, cela fait des semaines qu’ils se succèdent, souvent sans repos", assure le professeur. "Donc oui, il y a une diminution du nombre de nouveaux cas qui se présentent à l'hôpital, mais on est loin d'être sortis de l’auberge. S'il devait y avoir un rebond, on serait mort."
"La situation est loin d’être réglée. Il faut que les patients aujourd'hui en réanimation puissent en sortir. On sait que ce sont des séjours qui durent deux, parfois trois semaines. Le temps que les réanimations se vident, qu'on redescende à un niveau normal, qu'on puisse reprendre une activité pour soigner les nombreux patients qui n'ont pas le coronavirus mais qui sont toujours malades, qui se sont fait presque absents dans cette période, on est loin d'être sortis de l'auberge. C'est encore très difficile à l'hôpital", rappelle-t-il.
Une "réorganisation drastique"
"Je ne sais pas si tout le monde se rend compte de ce qu'il s'est passé à l'hôpital ces dernières semaines", souligne le professeur. "L'hôpital a tenu, c'est vrai. Il y a eu des moments extrêmement difficiles, des pénuries, mais on n'a pas eu ce qu'il se passe dans d'autres pays, à New-York avec des dizaines de malades qui meurent dans les couloirs", raconte le Pr Philippe Gabriel Steg. "L'hôpital a réussi à être agile, à se réorganiser, à doubler, tripler, parfois plus, sa capacité de réanimation et quand on double ou triple cette capacité il faut avoir des lit, du personnel, des ventilateurs, des pyjamas, des consommables, des médicaments... "
Il salue l'organisation de crise qui s'est mise en place et a rapidement permis aux hôpitaux de faire face en remodelant les services. "Des chirurgiens orthopédistes se sont transformés en brancardiers, des chirurgiens en infectiologues. C'est une réorganisation drastique."
Les soignants et personnels de l'hôpital très exposés
Le professeur a été touché par le Covid-19. Il évoque le risque de contamination du personnel soignant, dont les chiffres sont encore méconnus "Ils sont aussi exposés à la maladie, avec l'angoisse que cela peut générer. Quand je suis tombée malade je pense que comme tout le monde j'ai réfléchi à 'est-ce que j'aurais la chance d'être dans les 99% des gens qui guérissent ou est-ce que j'aurais la malchance d'être du mauvais côté de la barre. J'ai eu la chance d'avoir une forme mineure."
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"C'est aussi une des raisons pour lesquelles il faut rendre hommage à tous les personnels de l'hôpital, bien sûr les urgentistes, les réanimateurs, les infectiologues qui ont été en première ligne et qui depuis le premier jour travaillent nuit et jour, mais tous les personnels de l'hôpital : les femmes de ménages, les secrétaires, les ouvriers, la blanchisserie, la restauration sont tous exposés."