Trois médecins, représentants d'un collectif de soignants, ont porté plainte jeudi contre le premier ministre Edouard Philippe et l'ex-ministre de la Santé Agnès Buzyn, les accusant de s'être "abstenus" de prendre à temps des mesures pour endiguer l'épidémie de Covid-19, a annoncé leur avocat.
Cette plainte a été envoyée dans la journée à la commission des requêtes de la Cour de justice de la République (CJR), seule instance habilitée en France à juger des actes commis par des membres du gouvernement dans l'exercice de leurs fonctions, selon Maître Fabrice Di Vizio.
Les trois plaignants - Philippe Naccache, Emmanuel Sarrazin et Ludovic Toro, tous trois médecins - ont saisi la CJR au nom du collectif C19, récemment créé. Ils estiment que Monsieur Philippe et Madame Buzyn "avaient conscience du péril et disposaient des moyens d’action, qu’ils ont toutefois choisi de ne pas exercer".
Deux ans d'emprisonnement et 30.000 euros d'amende
Ils s'appuient notamment sur des déclarations d'Agnès Buzyn au Monde, qui a affirmé, après le premier tour des municipales, avoir alerté dès janvier le premier ministre sur la gravité de l'épidémie de coronavirus et l'avoir averti que "les élections ne pourraient sans doute pas se tenir".
Dès lors, les plaignants accusent Edouard Philippe et Agnès Buzyn, médecin de profession, de s'être abstenus "volontairement de prendre ou de provoquer les mesures permettant (...) de combattre un sinistre de nature à créer un danger pour la sécurité des personnes", en l'occurrence l'épidémie de coronavirus, ce qui est puni de deux ans d'emprisonnement et de 30.000 euros d'amende.
À partir du 13 mars, le gouvernement a pris plusieurs mesures, avec en dernier lieu le confinement généralisé de la population, soulignent-ils. Si celles-ci avaient été prises avant, cela "aurait sans nul doute permis de juguler l'épidémie en réduisant le nombre de personnes contaminées, et donc de personnes susceptibles de contaminer les autres", jugent-ils, regrettant notamment que dans l’Oise, un des foyers du Covid-19 en France, "aucune mesure particulière, autre que la fermeture des établissements scolaires", n'ait été mise en place.
Edouard Philippe anticipe les critiques
Mardi soir, Edouard Philippe a tenté d'évacuer la polémique née des propos de Madame Buzyn. "Si nous n'avions pas pris au sérieux cet événement sanitaire, je n'aurais pas organisé une réunion dès le mois de janvier" et "pris des décisions lourdes", a-t-il déclaré sur France 2.
"Il y a quelques mois, il y a des gens qui disaient 'vous en faites trop' ou 'vous n'en faites pas assez'. Dans quelques mois, certains diront: 'il aurait fallu faire autrement'. Ces polémiques, je les connais, je les assume", a-t-il ajouté.
Mercredi, le ministre des Comptes publics Gérald Darmanin a de son côté assuré que l'Etat ne savait pas en février que l'épidémie de coronavirus allait conduire la France à connaître la situation actuelle, assurant qu'aucune décision prise par l'Etat n'avait été "contraire aux choix des scientifiques".