À la veille du plus grand congrès mondial de cancérologie qui se déroulera à Chicago, Europe 1 va plus loin sur la vie après un cancer. Car aujourd'hui, 50% des personnes atteintes sont en rémission, elles n'étaient que 30% dans les années 1980. Et pourtant, ce n'est pas forcément évident de reprendre le cours de sa vie après une telle épreuve.
Un fort sentiment d'abandon une fois la maladie vaincue
En France, environ trois millions de personnes ont guéri d'un cancer. Mais pour beaucoup d'entre eux, l'après-cancer est une nouvelle épreuve. Car après une chimiothérapie, des rayons et enfin la rémission, une fois guéris, le plus grand sentiment qu'éprouvent nombre de malades est l'abandon.
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Les anciens patients ne voient plus leurs médecins, leurs infirmières, ceux qui les ont accompagnés souvent de longs mois, de même que leurs proches et leurs familles. Souvent, pendant la maladie, ils ont été là, très présents, et puis tout d'un coup ils disparaissent. Ils considèrent que puisque les patients sont en rémission, tout va bien et qu'il faut passer à autre chose.
Une guérison psychique plus longue que celle du corps
Se pose également la question de reprendre sa vie là où on l'a laissée. Après des mois de lutte contre la maladie, il n'est pas forcément simple de reprendre le travail, la vie de couple. Cette perte de repères peut aller parfois jusqu'à la dépression. Dans les cas de cancer du sein, par exemple, 10 à 30% des femmes souffrent de symptômes dépressifs dans l'année qui suit l'arrêt des traitements. La guérison psychique ne se fait donc pas au même rythme que la guérison physique.
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Des stages pour retrouver confiance en soi
Pour aider ces anciens malades, quelques associations proposent des stages thérapeutiques post-cancer, comme l'association "Passage en Vercors". Pendant une semaine, huit femmes qui ne se connaissaient pas, ont tenté "ensemble" de retrouver la force qu'elles pensaient avoir perdue.
"Voir le sourire des personnes qui redescendent, c'est une grande satisfaction". À Saint-André-en-Royans, ces femmes sont parties pour une "via cordata", une randonnée au-dessus d'une falaise où tout le monde est encordé. "Vous regardez bien le vide, vous en prenez plein les yeux et après vous devenez des grimpeuses", encourage la cheffe. Marche, randonnée, escalade, l'activité physique est la base de ce stage. Mais ce sont des activités faites tranquillement, sans pression.
"C'est vraiment pour que les participants reprennent confiance physiquement", explique Yann Bonami qui encadre le stage à Europe 1. "Et c'est vraiment génial de voir des personnes qui arrivent avec plein de questionnements en début de stage et qui à la fin arrivent à grimper sur les falaises, aller dans des endroits où elles ne s'imaginaient pas aller. Voir le sourire des personnes qui redescendent, pour nous, c'est une grande satisfaction."
La maladie est toujours dans la tête. Toutes les participantes ont eu un cancer dont elles sont en rémission. Et pourtant, avant d'arriver dans le Vercors, la maladie était toujours dans leur tête. "On est entourés de notre famille, d'amis. Mais au bout d'un moment, ils saturent", explique Caroline, une bretonne atteinte de leucémie chronique. "Les gens pensent que quand on est soigné, c'est reparti. Alors que ce n'est pas du tout le cas. On est encore très faible du point de vue physique et psychologique. Certains comprennent mais pas d'autres. Ils pensent : 'Elle a été soignée et là, elle exagère un peu.'"
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"On a beaucoup pleuré ensemble". Dans ce stage, les participants font de la sophrologie, de l'art thérapie et parlent beaucoup avec des gens qui ont vécu la même chose, ce qui évite les jugements. Cela permet de lâcher prise. "Mercredi on a pleuré toute la journée, ça a été une horreur", raconte l'une de ces femmes en riant. "Cela fait remonter des émotions mais on se soutient. Chacune craque à un moment donné et c'est génial". "On a beaucoup pleuré ensemble", renchérit une autre.
Christelle repart du stage avec plein de projets. Certaines femmes arrivent très mal dans leur peau et repartent libérées. "Quand je suis arrivée, j'avais du mal à me nourrir. Là, je mange normalement", confie Christelle, toujours soignée pour un cancer du col de l'utérus. "J'avais du mal à marcher parce que j'ai eu un problème à une jambe et j'étais en fauteuil en décembre. Et j'ai réussi à faire les randonnées, les activités physiques tout doucement. Et émotionnellement, j'ai complètement changé. Et si j'arrive à faire cette cordée, je serai vraiment très fière. Mais j'ai très peur."
Christelle a bel et bien réussi la traversée au-dessus du vide. Elle a eu quelques difficultés, mais les encadrants et les autres participantes l'ont aidée et elle y est parvenue. "Je vais repartir avec plein d'espoir et plein de petits projets", assure Christelle après l'épreuve. "Ça me redonne vraiment confiance en moi. Je vais repartir en pleine forme."
Des stages encore rares et coûteux
Si ces stages aident vraiment les patients, ils restent rares et chers. Pour "Passage en Vercors", les participantes ont dû débourser 500 euros pour la semaine et l'association a pris en charge 1.200 euros. Pour ceux qui ne peuvent se le permettre, quelques hôpitaux proposent néanmoins un suivi psychologique dès la fin des traitements. Mais ce n'est pas systématique et pour certains patients, cela ne sert à rien sur le moment, car le contrecoup arrive souvent plus tard. Avec un nombre de personnes en rémission en augmentation, les autorités sanitaires devraient s'emparer de cette prise en charge.