Les détracteurs du dépistage organisé du cancer du sein sont "irresponsables". Dans un entretien au journal Le Parisien, mardi, le président de l'Institut national du cancer (INCa), Norbert Ifrah, dénonce une campagne de dénigrement "surréaliste" se répandant sur les réseaux sociaux. Joint par Europe 1, son collègue Thierry Breton, directeur général de l’INCa, tient lui aussi à combattre les idées reçues sur la mammographie. L'enjeu est de taille : la participation au dépistage organisé est tombée en dessous de 50% en 2017, là où les recommandations européennes en préconisent 70%.
La mammographie présente plus de risques que de bénéfices
C'est faux, n'en déplaisent aux détracteurs du dépistage, qui estiment que les mammographies, jugées trop fréquentes (tous les deux ans, ndlr), présentent un risque de surdiagnostic. En clair, que de nombreuses femmes présentant une anomalie se font traiter pour retirer une petite tumeur alors que celle-ci aurait pu ne pas augmenter, voire régresser. Certes, les connaissances scientifiques actuelles ne permettent pas d'évaluer comment les cancers vont évoluer, mais une telle situation ne se produit que dans 10 à 20% des cas.
"Cela veut quand même dire que 80 à 90% des cancers détectés auront des conséquences. Et ces femmes-là seront prises en charge", insiste Thierry Breton, qui l'affirme : "Oui, le dépistage sauve des vies !".
Malgré le dépistage, le nombre de cancers ne baisse pas
C'est vrai, mais il n'augmente pas non plus. Lorsqu'on regarde les chiffres, on constate une augmentation très forte de la population des femmes françaises de 50 à 74 ans, celle-là même qui est correspond au programme de dépistage. "En 1992, elles étaient 7 millions. Fin 2012, 9,3 millions de femmes étaient concernées, soit 32% de plus", précise Thierry Breton. Le chercheur note par ailleurs "une diminution de la mortalité de 1,5% par an entre 2005 et 2012".
La mammographie est cancérigène
C'est vrai, mais le risque de développer un cancer radio-induit demeure très faible. "Si une femme suit strictement les recommandations de participation au programme de dépistage, elle fera 13 mammographies. Dans ce cas-là, son exposition au rayonnement ionisant représenterait le quart de celle provoquée par un scanner abdomino-pelvien, qui est lui un acte très courant" rassure encore Thierry Breton.
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Il faut attendre 50 ans pour faire une mammographie
C'est faux. Il n'est absolument pas interdit de se faire dépister avant,surtout s'il existe des antécédents familiaux ou des comportements à risque, comme la consommation d'alcool régulière par exemple. Certes, plus le cancer est détecté tôt, plus les chances de guérir sont grandes : le taux de survie est ainsi de 99% à cinq ans lorsqu'il est détecté à un stade précoce contre 26% lorsqu'il est détecté à un stade avancé. Mais pour l'instant, explique le directeur général de l'INCa, "il n'y a pas de justification scientifique à faire en sorte que toutes les femmes à partir de 40 ans réalisent une mammographie". Environ 80 % des tumeurs malignes surviennent en effet après 50 ans.
L'autodépistage suffit pour détecter un cancer
C'est faux. L'autopalpation peut être utile en complément d'un examen médical, mais ne suffit jamais à détecter une éventuelle tumeur. En cas de doute, il est bien sûr recommander de consulter, et de se faire dépister. Mais la présence d'une boule dans le sein n'est pas forcément synonyme de cancer. "De même, s'il n'y a pas d'évolution visuelle sur votre poitrine, il peut y avoir un cancer qui est en train de se développer", rappelle l'expert.
Aujourd'hui, le cancer du sein reste le cancer le plus fréquent et le plus mortel chez les femmes : 59.000 nouveaux cas et près de 12.000 décès sont recensés chaque année en France. La mammographie, qui ne présente aucun caractère obligatoire, est quant à elle totalement gratuite pour les femmes de 50 à 74 ans.