La semaine de la sensibilisation à la dyslexie a débuté lundi, avec pour objectif de mettre en lumière les pathologies du langage écrit, leur prévention et leur dépistage. "Dyslexie, vraie-fausse épidémie", annonçait le colloque d'ouverture. Un titre volontairement alarmiste, comme l'explique au micro de Wendy Bouchard, dans Le Tour de la question sur Europe 1, Marie-Christelle Helloin, orthophoniste et membre actif de la Fédération nationale des orthophonistes (FNO). "Certains, parfois, disent dans les institutions ou dans les médias qu'il y aurait une épidémie de dyslexiques ou de faux dyslexiques. Notre fédération et l'ensemble des orthophonistes ont voulu s'inscrire en faux par rapport à cela", souligne-t-elle.
"Il 'n'y pas d'épidémie de dyslexie", balaye cette professionnelle. "Les chiffres de prévalence sont relativement stables depuis longtemps, que ce soit en France ou dans le monde. Il n'y a pas eu d'épidémie soudaine de dyslexie qui serait provoquée par quelque chose, simplement, on en parle plus", relève-t-elle.
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Des troubles mieux identifiés qu'avant. Selon la Haute Autorité de la Santé, 8% des élèves Français seraient atteints de troubles cognitifs. Des troubles essentiellement liés au langage et à l'apprentissage, et qui se repèrent et se diagnostiquent de plus en plus facilement, ce qui, assez paradoxalement, a pris de court la profession. "Actuellement, dans beaucoup de régions de France, on a une certaine embolisation des cabinets d'orthophonie", indique Marie-Christelle Helloin. "C'est un phénomène récent, pas parce qu'il y a une épidémie de dyslexie, mais peut-être parce que ces troubles sont mieux repérés".
Des professionnels débordés. Mais les orthophonistes ne s'occupent pas que d'enfants "dys", de là un engorgement des cabinets qui condamne aussi les parents à une véritable errance médicale. "C'est quelque chose de problématique, qui est lourd pour les parents qui, parfois, doivent chercher loin pour avoir un rendez-vous. Il faut savoir que plus la prise en charge est précoce, meilleures sont les chances d'aller mieux, d'être aidé", assure notre orthophoniste. Ce sentiment de désarroi peut également être renforcé par le manque de formation des enseignants, au primaire notamment, souvent aux premières loges pour mettre le doigt sur ce type de troubles, mais pas en mesure d'apporter un encadrement adapté.
"À l'école, souvent, il n'y a rien de mis en place pour eux, les professeurs ne sont pas qualifiés, et même s'ils sont bienveillants, ils n'ont souvent pas le temps de s'occuper de ces élèves-là", déplore ainsi, au micro du Tour de la question, Sara de Robien, mère d'un enfant dyslexique en 6ème. "Je me suis battue pendant toute la scolarité de mon aîné, aujourd'hui âgé de 22 ans, parce qu'il y a dix ou quinze ans, il n'y avait absolument rien", abonde Christelle Chantreau-Bébouche, mère de trois enfants atteints de dyslexie, et auteure du guide Manuel de survie pour les parents (et les profs) pour mieux vivre au quotidien les troubles du langage et des apprentissages. "Pour les deux autres, ça va mieux, mais ça reste difficile à l'école pour les élèves."
Augmenter le nombre de professionnels. L'orthophoniste apparaît donc bien souvent comme le seul professionnel véritablement apte à pouvoir aider ces enfants. Mais la profession en est d'autant plus débordée que ses effectifs sont en berne dans les organismes publics. "On a un vrai souci du fait que dans toutes les structures de salariés, à l'hôpital et dans les établissements, l'orthophonie est peu reconnue, a une très faible attractivité salariale, ce qui fait que des postes sont vacants", pointe Marie-Christelle Helloin. Dans le secteur médico-social, environ 30% des postes d'orthophoniste seraient vacants, selon les chiffres de la FNO. Une situation qui se répercute directement sur le secteur libéral, d’où la difficulté d'obtenir un rendez-vous dans de nombreux cabinets.
En mai dernier, la fédération a donc lancé un appel à l'aide au gouvernement, sous la forme de vingt propositions pour améliorer l'accès aux soins. Parmi elle : l'admission des étudiants en école d'orthophonie via parcours sup, plutôt que par concours, de manière à augmenter la démographie professionnelle, une orientation des stagiaires vers les zones sous-dotées en orthophonistes, ou encore un élargissement de la définition de la télémédecine de manière à y inclure l'orthophonie. "Malheureusement, elles n'ont pas été entendues", constate Marie-Christelle Helloin.