L'Assemblée nationale a commencé à examiner mercredi, dans une ambiance houleuse, un maintien de l'état d'urgence sanitaire, régime d'exception, jusqu'au 1er juin face au Covid-19, en dépit des réticences des oppositions. C'est devenu un rendez-vous tristement régulier pour les députés : l'état d'urgence étant en vigueur jusqu'au 16 février et l'épidémie ne donnant pas de signe de ralentissement, il s'agit de prolonger ce régime, base actuelle du couvre-feu national à 18 heures. L'état d'urgence permet aussi des mesures de restriction ou d'interdiction des déplacements, des rassemblements ou des ouvertures des établissements, sur tout ou partie du territoire. Le gouvernement peut aussi s'appuyer sur ce régime pour instaurer des confinements partiels ou complets de la population.
"Je comprends la lassitude et le souhait de sortir de la crise, mais ne nous pouvons nous priver d’aucun outil pour combattre le virus", a martelé le ministre de la Santé Olivier Véran, alors que les parlementaires ont relayé les inquiétudes des restaurateurs, des étudiants et encore des stations de ski qui ne rouvriront pas. "Nous sommes sur un fil", a lancé le ministre de la Santé, à l'heure où se répandent les variants britannique et sud-africain, beaucoup plus contagieux, du virus qui donne le Covid-19.
L'opposition contre "une banalisation" de l'état d'urgence
Créé à l'occasion de la crise du Covid-19, l'état d'urgence sanitaire a été appliqué du 23 mars au 10 juillet 2020, et à nouveau depuis le 17 octobre. Les oppositions se sont prononcées contre une "banalisation" de l'état d'urgence (LR et PCF), "boîte à outils des pleins pouvoirs" (LFI) qui pourraient durer jusqu'à la présidentielle selon ces élus.
"Nous ne sommes plus en démocratie", a affirmé Paul Molac du groupe Libertés et territoires, comme Nicolas Dupont-Aignan (non-inscrit) qui juge que l'exécutif "détricote la confiance".
Les socialistes ont défendu en vain une motion de rejet préalable, déplorant "l'absence de bilan" accompagnant cette prolongation.
Le ton est monté à plusieurs reprises de part et d'autre, Ian Boucard (LR) évoquant un "chantage à la responsabilité" de la part de M. Véran. "Vous resterez le ministre du fiasco sur les tests, les masques, les vaccins", a renchéri son collègue du même groupe Julien Aubert.
Olivier Véran a lui épinglé en retour une "outrance permanente" des oppositions qui "commence à un peu lasser les Français": "aidez-nous, retroussez-vous les manches", leur a-t-il demandé.
"Chèque en blanc"
Mais jusqu'au sein de la majorité, des élus posent leurs conditions. Philippe Latombe (MoDem) a ainsi exigé la "transparence dans les réponses et les chiffres", quand le chef de file des députés Agir Olivier Becht, autre allié de la majorité, a estimé qu'il n'est "pas possible de donner un chèque en blanc sans débattre du fond de la stratégie" gouvernementale.
Les députés de divers bords ont défendu sans succès des amendements pour une prolongation plus courte, un contrôle parlementaire accru ou davantage de transparence du Conseil scientifique.
En commission, les députés avaient supprimé la période transitoire de sortie de l'état d'urgence envisagée après le 1er juin, ce qui obligera ainsi à un nouveau rendez-vous devant le Parlement. La question de la tenue des élections régionales et départementales courant juin se posera alors.
En novembre, le vote du Parlement pour maintenir ce régime jusqu'à mi-février avait été chaotique: la majorité s'était retrouvée mise en minorité sur deux votes d'amendements au Palais Bourbon, et les débats s'étaient enlisés - signe que cet état d'urgence passe difficilement.
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Nouvelle péripétie fin décembre: un projet de loi définissant un "régime pérenne de gestion des urgences sanitaires" et devant prendre le relais du régime actuel a été remisé aussitôt après sa présentation en Conseil des ministres.
En cause, un article prévoyant en cas de future pandémie la possibilité de voir conditionnés certains déplacements à la vaccination, qui avait suscité une levée de boucliers des oppositions. Certains y voyaient la mise en oeuvre d'un "passeport sanitaire", qui existe dans d'autres pays.
Ce projet de loi-là "a finalement été retiré de l’ordre du jour et sera examiné au Parlement lorsque la crise sera derrière nous", a assuré Olivier Véran.