Sandrine doit composer avec un manque croissant de masques pour se protéger et protéger les personnes qu'elle soigne. Photo d'illustration. 6:39
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Sandrine, infirmière libérale à Paris, raconte sur Europe 1 l'évolution de son métier face à l'épidémie de coronavirus. Entre la pénurie grandissante de masques et agressivité de la population, le quotidien de cette profession se détériore.
TÉMOIGNAGE

C'est un métier déjà difficile, que la crise sanitaire actuelle complique encore. Dans la bataille que mènent les personnels soignants et la population contre l'épidémie de coronavirus, les infirmiers sont en première ligne, aux contacts des personnes âgées et des malades, parfois des personnes infectées par le virus. Sur Europe 1, Sandrine, une infirmière libérale parisienne, témoigne de la dégradation de ses conditions de travail.

Il y a d'abord les masques, ou plutôt leur manque, même si le ministre de la Santé Olivier Véran a annoncé samedi après-midi une commande massive livrée progressivement. "On parle de débloquer 250 millions de masques, notamment avec une dotation censée être délivrée aux personnels soignants en ville", explique Sandrine. "Mais c'est un peu compliqué de voir la couleur de cette dotation, car c'est censé transiter par les pharmacies auxquelles on a une délivrance nominative."

Une réserve "comme les écureuils"

Et, déplore Sandrine, "on se heurte bien souvent au fait que soit les pharmacies n'ont pas eu la dotation, soit il n'y a pas assez de matériel. Est-ce qu'il y a eu une délivrance, est-ce que ce stock a aussi servi pour un autre usage, pour la vente ? Il y a des supputations, on ne sait pas exactement, mais c'est vrai que c'est compliqué pour se fournir en matériel de base, à savoir les masques et les solutions hydro-alcooliques."

D'un côté, des pharmacies qui n'arrivent pas vraiment à fournir les infirmiers en matériel. De l'autre, des infirmiers qui voient leur stock personnel s'amenuiser. "On est obligés de faire notre petite réserve comme des petits écureuils", illustre Sandrine. "On se heurte à la pénurie : les sites sur lesquels on a l'habitude de s'approvisionner sont en rupture totale et de toute façon l'Etat à la mainmise dessus pour justement débloquer les stocks. 

Agression au cutter, voiture fracturée…

Pour Sandrine et ses collègues, qui travaillent essentiellement à domicile, c'est la double peine : le matériel manque mais les actes malveillants se multiplient, avec des agresseurs qui pensent récupérer des masques. "Des collègues ont été menacés physiquement notamment avec des cutters, avec des propos menaçants", raconte l'infirmière. "Des collègues qui exercent avec un véhicule se sont fait fracturer leur véhicule à la recherche de matériel. Il y a une suspicion. Quand on porte un masque toute la journée, les gens vous regardent comme si vous déteniez une richesse incroyable. Il y a aussi une méconnaissance des gens, une peur qui crée une agressivité et du coup pour nous c'est une source d'inquiétude. C'est désolant, apeurant, et ça nous met en colère."

Un quotidien plus difficile qu'avant, mais une utilité toujours plus grande contre la maladie. "On voit la modification de nos soins, avec notamment des prises en charge de patients en sortie d'hospitalisation pour Covid-19 avec une surveillance des signes d'aggravation ou autre", souligne Sandrine. "Effectivement, là, se pose la question de se mettre en danger nous-mêmes. Surtout, notre but est de ne pas contaminer nos patients sains si on avait à prendre des patients infectés."