"La nuit tous les chats sont gris", assure le proverbe. Si l’obscurité ou les ambiances extrêmement tamisées sont favorables à la sensualité, c’est aussi parce qu’elles ont l’avantage d’effacer à la vue de l’autre un bourrelet mal assumé, ou un corps vieillissant que l’on craint de trop exposer. Et pourtant, la vue participe aussi du plaisir sexuel, au point que certains peinent à avoir des rapports dans le noir total. Alors, avec ou sans lumière ? Dans l’émission Sans Rendez-Vous, diffusée tous les jours à 15h sur Europe 1, Catherine Blanc, sexologue et psychiatre, répond à une auditrice qui ne parvient pas à s’entendre sur ce point avec son compagnon.
La question de Marguerite
"Je suis en couple depuis huit mois avec un nouveau compagnon. Il aimerait que nous fassions l’amour en laissant la lumière allumée, mais je ne veux pas car je suis complexée par mon corps. Que me conseillez-vous ?"
La réponse de Catherine Blanc
"Généralement, la difficulté à accepter la lumière pendant l’amour est plus du côté féminin, alors que l’homme a tendance à la souhaiter. On n’est pas toujours, selon les périodes de sa vie, dans la même tranquillité pour exposer son corps, l’offrir au regard de l’autre. C’est un vrai sujet au sein du couple.
La femme est souvent trop préoccupée par elle-même. Paradoxalement, on a besoin de noir quand on est trop en train de se regarder, quand on est fâché avec son corps, quand on se focalise sur ce bourrelet, ou sur ce sein qui tombe, alors que l’on se trouve dans un exercice – faire l’amour – au cours duquel le corps est assez malmené. Il faut faire la paix avec soi.
Pourquoi est-il plus facile pour l’homme de s’afficher en pleine lumière ?
Dans la construction masculine, le rapport à la sexualité passe par la découverte de son pénis, et la possibilité de le voir. L’homme, qui a eu l’habitude de se construire en regardant son pénis, en mesurant son pénis, en observant toutes les capacités de ce sexe, veut voir ce qu’il va pouvoir faire face à un autre sexe, et ce avec un regard quasi pornographique.
À l’inverse, pour les femmes, voir son sexe est une histoire plus compliquée. La femme est donc plus portée par l’imaginaire. Faire l’amour dans le noir, indépendamment des questions de pudeur personnelle, est une manière de laisser aller cet imaginaire, de se figurer l’autre dans l’expression de ses propres fantasmes.
Comment résoudre ce conflit, entre l’exhibitionnisme masculin et la pudeur féminine ?
On peut par exemple se dire un coup l’un, un coup l’autre. Faire l’amour dans le noir, c’est se donner le temps d’appréhender l’autre, de faire marcher notre imaginaire. Les hommes ont souvent tendance à se priver de ce chemin-là. Cela peut donner tout le loisir de prendre la mesure du corps de l’autre, de le palper différemment parce que l’on ne sait pas où il est, parce que l’on découvre les seins de sa partenaire en les prenant dans ses mains plutôt qu’en les regardant, etc. Dès lors, l’obscurité accompagne une nouvelle forme de perception.
Une lumière douce et câlinante, comme celle des bougies, peut aussi offrir un juste milieu. Nul besoin d’un éclairage chirurgical. L’intérêt de la sexualité est aussi de jouer avec le voile de la pudeur, de se découvrir légèrement, de se cacher à nouveau."