L'alcool tue 2,6 millions de personnes par an, a indiqué mardi l'Organisation mondiale de la Santé (OMS), pour qui ce chiffre reste "inacceptablement élevé" malgré une légère baisse ces dernières années. Le dernier rapport de l'agence de santé de l'ONU sur l'alcool et la santé souligne que l'alcool cause quasiment un décès sur 20 chaque année au niveau mondial, en incluant les accidents de la route qui y sont liés, les violences, les abus et une multitude de maladies et de troubles.
Les Européens consomment neuf litres d'alcool par an. Cela peut paraître peu mais il s'agit non pas de la quantité de bière ou de vin consommée chaque année mais de la quantité d'alcool pur, comme l'explique Philippe Amouyel, professeur de santé publique : "Quand vous prenez un verre de bière par jour, vous allez consommer, dans ce verre de bière, en moyenne 5% d'alcool. Ça vous fait à peu près 3,5 litres de bière dans la semaine, soit 0,175 litre d'alcool pur."
Les 20-39 ans sont les plus touchés
Selon le rapport, 2,6 millions de décès ont été attribués à l'alcool en 2019 - les dernières statistiques disponibles -, soit 4,7% des décès dans le monde cette année-là. Les hommes représentent les trois quarts de ces décès. "L'utilisation de substances nuit gravement à la santé individuelle, augmente les risques de maladies chroniques et de maladies mentales et a pour résultat tragique des millions de morts évitables chaque année", a déploré le patron de l'OMS Tedros Adhanom Ghebreyesus dans un communiqué. Dans le rapport, il pointe "une certaine réduction de la consommation d'alcool et des maux induits depuis 2010 dans le monde".
Mais "les maux sanitaires et sociaux dus à l'abus d'alcool restent inacceptablement élevés", pour M. Tedros, qui souligne que les jeunes sont touchés de manière disproportionnée. La plus forte proportion de morts attribuables à l'alcool en 2019 se trouve dans la tranche des 20-39 ans, avec 13% des décès.
Cancers et accidents
L'alcool provoque une flopée de maladies, dont la cirrhose du foie et certains cancers. Sur les 2,6 millions de morts liées à l'alcool en 2019, le rapport indique que 1,6 million de personnes sont mortes de maladies non transmissibles, dont 474.000 de maladies cardiovasculaires et 401.000 de cancers. 724.000 décès supplémentaires résultent de blessures, dont des accidents de la route et de l'automutilation.
L'abus d'alcool rend également les personnes plus fragiles face à des maladies infectieuses comme la tuberculose, le sida et la pneumonie. Environ 209 millions de personnes vivaient avec une dépendance à l'alcool en 2019, soit 3,7% de la population mondiale. Dans le même temps, la consommation annuelle individuelle a légèrement baissé, à 5,5 litres en 2019 contre 5,7 litres neuf ans auparavant, selon le rapport.
Mais la consommation est répartie de façon inégale sur le globe, avec plus de la moitié de la population mondiale âgée de plus de 15 ans qui s'abstient totalement. L'Europe a les plus hauts niveaux de consommation, avec 9,2 litres d'alcool par an et par moyenne, suivie par les Amériques avec 7,5 litres. Les consommations les plus basses se retrouvent dans des pays à majorité musulmane en Afrique du Nord, au Moyen-Orient et en Asie, explique le rapport.
Gros buveurs
En moyenne, un buveur a consommé 27 grammes d'alcool par jour en 2019, selon le rapport. Cela équivaut à peu près à deux verres de vins, deux bières ou deux shots d'alcool fort. "Ce niveau et cette fréquence de consommation sont associés à des risques plus élevés d'attraper de nombreuses maladies, ainsi qu'à la mortalité et les handicaps" qui les accompagnent, prévient l'OMS. En 2019, 38% des buveurs habituels ont reconnu s'être engagés dans des épisodes de forte consommation, définis comme la consommation d'au moins 60 grammes d'alcool pur lors d'une ou plusieurs occasions durant le mois qui précède.
Au niveau mondial, 23,5% des 15-19 ans sont considérés comme des buveurs habituels. Mais le chiffre bondit à plus de 45% pour les personnes de cet âge vivant en Europe, et à près de 44% pour ceux vivant aux Amériques. Au vu de l'ampleur du problème, l'OMS pointe un besoin urgent d'améliorer l'accès à des traitements de qualité pour les troubles liés à l'usage de substances.
En 2019, la proportion de personnes en contact avec des services s'occupant de toxicomanie allait de moins de 1% à un maximum de 35%, selon le pays étudié. "La stigmatisation, la discrimination et de fausses idées sur l'efficacité des traitements contribuent à ces graves lacunes dans la mise à disposition des traitements", a déclaré à la presse Vladimir Poznyak, chef du département alcool, drogues et comportements addictifs de l'OMS.