Accros au LSD, les scientifiques ? Très étudiée pendant les années 1950-1960, la "diéthylamide de l’acide lysergique", de son vraie nom, avait été un peu été délaissée par les laboratoires après son classement comme psychotrope par l'ONU dans les années 1960. Mais depuis quelques années, les recherches semblent avoir repris de plus belle, de nombreux chercheurs caressant toujours l'espoir de lui trouver une vertu thérapeutique avérée. Pour la première fois, une équipe de scientifiques de l’Imperial collège de Londres a même pu observer le comportement du cerveau d'un humain sous LSD, apprend-on cette semaine dans une étude publiée dans la revue scientifique PNAS. Grâce à de nouvelles techniques d'imageries, les chercheurs ont pu en savoir un peu plus sur le fonctionnement du cerveau et sur l'effet de ce psychotrope hautement hallucinogène.
Un cerveau sous LSD, ça donne quoi ? Selon les scientifiques londoniens, un cerveau sous LSD retombe en enfance. En administrant une faible dose du psychotrope à une vingtaine de patients, ils ont pu observer que certaines zones du cerveau habituellement déconnectés se mettent à fonctionner toutes ensemble. "Normalement, notre cerveau est composé de réseaux indépendants qui séparent différentes fonctions spécifiques, comme la vision, l’ouïe ou le mouvement. Sous LSD, la séparation de ces réseaux se brise et on obtient un cerveau plus intégré, plus unifié", explique Robin Carhart-Harris, coauteur de l’expérience, dans une interview à la revue Nature. Un phénomène qui expliquerait pourquoi certains consommateurs de LSD affirment "entendre des couleurs" ou "voir des sons" après leur trip.
La conséquence de ce phénomène, selon les observations relayées dans l'étude, c'est le manque de coordination de certaines zones du cerveau entraîné par la consommation de LSD. Et notamment au sein du "Réseau du mode par défaut", c’est-à-dire les régions qui restent actives lorsque l'attention de cerveau n'est pas focalisée sur un objet, lorsqu'on ne pense "à rien". "Les neurones qui travaillent habituellement ensemble se désynchronisent", détaille David Nutt. Selon lui, cela entraînerait l'impression que la "conscience est dissolue", qu'il n'y a plus de "moi", de "je pense comme je suis". Cela entraînerait la "sensation que vous êtes moins une entité singulière, que vous êtes plus mêlés aux autres et aux choses qui vous entourent", poursuit le chercheur.
#PetitJeCroyaisQue les Teletubbies étaient des êtres normaux. J'ai compris bien plus tard qu'ils étaient sous LSD. pic.twitter.com/XwUEPRw0NT
— Super Zappeur (@superzappeur) 11 avril 2016
A quoi servent ces observations ? En regardant les effets du LSD sur le cerveau, en observant le lien entre les zones "perturbées" par le LSD et les sensations que cela entraîne chez les cobayes, les chercheurs espèrent pouvoir étudier la conscience comme un "phénomène biologique". Et grâce à l'imagerie médicale, les scientifiques espèrent avoir une vision précise de l'effet du LSD. Ils comptent déterminer une bonne fois pour toute si ce psychotrope peut avoir des vertus médicinales, notamment contre la dépression et les addictions.
"L'idée a de vieilles racines", raconte David Nutt. Qui détaille : "dans les années 1950 et 1960, des milliers de personnes ont pris du LSD contre leur alcoolisme. En 2012, une analyse rétrospective de certaines de ces études est venue suggérer que cela a aidé à réduire la consommation. Depuis les années 1970, il y a eu beaucoup d'études avec le LSD sur les animaux, mais pas sur le cerveau humain. Nous avons besoin de ces données pour valider l'essai de ce médicament en tant que traitement potentiel de l'addiction ou la dépression".
La vieille idée d'un usage thérapeutique. Inventé par un scientifique suisse dans les années 1930, le LSD, un produit de synthèse dérivé d'un champignon, était étudié pour des recherches sur la pression sanguine. Mais dans ce domaine, cela n'a donné aucun résultat. En revanche, après en avoir eux-mêmes consommé pour connaître ses effets, les chercheurs se sont mis à étudier ces effets sur le cerveau. Et pendant plusieurs années, se basant sur ces recherches, de nombreux psychiatre l'ont testé sur leurs patients. Le LSD était alors commercialisé sous forme de produit "test" par le laboratoire Sandoz, sous la marque Delysid.
Mais c'était sans compter sur le succès de ce psychotrope dans les communautés hippies, chez certains intellectuels, artistes ou au sein de la "beat génération". Souvent détourné et utilisé pour un usage récréatif, il fut donc interdit par de nombreux pays, dont la France en 1965. Selon les autorités, les résultats thérapeutiques du LSD, jugés trop aléatoires, ne permettent pas de compenser les risques potentiels qu'entraîne sa consommation : crises d'angoisse, confusions mentales, voire suicides.
Mais les scientifiques n'ont pas abandonné le LSD pour autant. Après une longue période d'arrêt des essais pendant les années 1970-1980, des études ont repris dans plusieurs pays du monde (Etats-Unis, Suisse…) depuis les années 1990. Et l'étude londonienne parue cette semaine, l'une des plus importantes jamais réalisée, vient compléter ce regain d'intérêt. Prochaine étape : faire le test sur un échantillon de patients plus large.