Fumer, sans se ruiner la santé. C'est ce que promet Philip Morris avec son tout nouveau système à chauffer le tabac, baptisé iQos. Ce dispositif, qui sera lancé en mai à Paris et Nice, selon les informations du Figaro, permettrait de réduire en moyenne de 90 à 95% les niveaux de substances toxiques par rapport à une cigarette classique. Si la promesse a de quoi séduire, qu'en est-il réellement ?
Chauffer plutôt que brûler. La recette est bien évidemment gardée en vertu du secret industriel. Mais ce qui est sûr, c'est que les recharges de l'iQos, qui sont en fait des sortes de mini-cigarettes, contiennent du vrai tabac. Le principe, lui, est assez simple : plutôt que de brûler le tabac, il s'agit ici de le chauffer à moins de 300 degrés en moyenne contre 800 à 900 degrés ordinairement. Cela permet d'éviter la combustion et de potentiellement réduire considérablement les risques pour la santé, selon Philip Morris.
Pas de combustion, pas de danger ? Car combustion rime avec production de monoxyde de carbone, de goudron, de nitrosamine, de cadmium, d'hydrocarbures polycycliques ou encore de mercure… Autant de substances contenues dans la fumée qui font du tabagisme la première cause de mortalité prématurée au monde. "Cela a toujours été connu que la combustion est nocive pour la santé. Comme un steak trop grillé au barbecue", explique une source au sein du groupe qui conduisait les études cliniques, jointe par Europe1.fr.
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Mais si Philip Morris publie régulièrement des données sur ses propres études, menées par des médecins et des scientifiques, aucune recherche indépendante n’a pour le moment réellement pu confirmer leurs conclusions. Il faut dire qu'avec un budget de 2 à 3 milliards d'euros investi par le groupe, les universités par exemple, n’ont pas forcément tous les fonds nécessaires pour vérifier en laboratoire l’ensemble des propos savants du cigarettier.
Le propriétaire de Marlboro a récemment soumis ses résultats auprès de la sacro-sainte Food & Drug Administration (FDA) aux États-Unis. Un dossier scientifique et juridique supposé contenir 3 millions de pages, soit 15 tonnes de papier et l’équivalent d’une pile de feuilles de 1,5 km de haut. Dans les six mois à venir, la FDA devrait revenir vers Philip Morris, vraisemblablement pour demander des précisions. "Mais s'ils disent non, ce serait vécu comme un scandale par le groupe", assure encore une source interne. "Philip Morris est totalement convaincu que ce produit est à risque réduit."
Un produit "à mettre à la poubelle". "Ce produit est à mettre à la poubelle", estime pourtant Bertrand Dautzenberg, pneumologue à l'hôpital de la Pitié-Salpetrière, qui mène depuis des années un combat acharné contre la cigarette. "Mieux vaut ne rien prendre du tout, mais si on fume, les substituts nicotiques, la cigarette électronique ou les médicaments de prescription sont des modes de sortie, mais là, c'est une fausse sortie du tabac. Ce sont les mêmes salades qu'on nous a raconté quand on est passé des cigarettes brunes aux blondes en disant que ça donnait moins de cancers de la trachée. C'est vrai, il y a moins de cancers de la trachée, mais il y a plus de cancers des bronches", peste-t-il sur Europe 1. "L'industrie du tabac veut semer la confusion entre ce produit et la cigarette électronique pour faire croire que c'est un bon produit. Non, c'est un produit addictif, qui va maintenir dans l'addiction et qui a été construit comme tel".
Du tabac, donc de la nicotine. Car l'iQos contient effectivement de la nicotine. "Et obliger des gens à prendre des pics de nicotine en cinq minutes, c'est une façon de rendre les gens dépendants si ce sont des nouveaux utilisateurs. Et de garder les fumeurs dépendants à un haut niveau de nicotine s'ils étaient déjà dépendants avant cela", poursuit le pneumologue. "C'est donc tout le contraire des substituts nicotiques, des patchs, ou de la cigarette électronique où la prise de nicotine s'étale dans la journée, ce qui fait baisser le nombre de récepteurs".
Avertissement sanitaire sur les paquets. Conformément aux lois sur les produits du tabac, le paquet de "Heets" devrait être recouvert d'un avertissement sanitaire, comme en Suisse : "Ce produit du tabac peut nuire à votre santé et créer une dépendance", peut-on lire, en trois langues, sur les paquets vendus en Helvétie. En France en revanche, l'iQos ne sera vendu qu'en bureau de tabac, là où, dans certains pays, il est aussi proposé dans des boutiques spécialisées. La loi sur le paquet neutre ne s'appliquant qu'aux cigarettes et au tabac à rouler, Marlboro pourra cependant commercialiser ses sticks avec le logo et les couleurs de son choix.