Lundi, la publication d'une étude est venue relancer le débat sur l'efficacité du vaccin de la grippe. Des chercheurs y plaident pour de nouvelles techniques de fabrication afin de mieux lutter contre la souche actuelle du virus, le H3N2, qui a muté en 2016. Ce virus, en plus de présenter des symptômes divers, est très instable, avec plusieurs types de souches capables de muter génétiquement. Europe 1 vous explique les différents visages de cette maladie infectieuse qui fait chaque année en France entre 1.500 et 2.000 morts.
Groupe A, B ou C ?
La grippe est due au virus dit "influenza", mot probablement issu de l'italien, "influenza di freddo", "sous l'influence du froid". Ce virus est lui-même divisé en trois groupes : A, B ou C.
Aujourd'hui, les virus de la grippe qui circulent en hiver et qui sont transmissibles à l'humain sont issus des deux groupes A et B. Mais ceux du groupe A sont les plus fréquents et aussi les plus virulents. Ceux du groupe C ne sont que très rarement détectés et ne donnent que des grippes peu virulentes.
Que signifient les lettres "H" et "N" ?
Pour les virus de type A, les scientifiques ont établi une classification pour y voir plus clair dans le grand nombre de mutations. Ce sont les protéines présentes à la surface du virus qui ont été retenues pour nommer les différentes grippes.
Le "H" nomme les hémagglutinines, la protéine responsable de la fixation du virus sur les cellules cibles du corps humain. Il en existe 16 types (de H1 à H16 donc).
Le "N", lui, concerne les neuraminidases, qui transmettent aux cellules humaines le virus, divisés en neuf groupes (de N1 à N9).
"Glissement antigénique" ou"cassure génétique" ?
Le virus de la grippe est capable de muter selon deux scénarios. Le premier type de mutation est le "glissement antigénique", explique le site de l'Institut Pasteur : il entraîne de légères modifications du virus. Le nouveau variant est alors très proche du précédent. Une personne, qui a attrapé précédemment une grippe, ne tomberait pas malade en attrapant cette version mutante.
Le deuxième scénario ne concerne que les virus de groupe A : la "cassure" du matériel génétique. C'est elle qui peut entraîner des épidémies plus sévères en changeant totalement les protéines dans le virus. Une nouvelle grippe fait donc son apparition, totalement différente des précédentes.
Selon le type de mutation qu'elle a vécu, cette grippe peut être davantage transmissible, plus résistante ou bien plus virulente. Quand une "cassure" s'est opérée, les vaccins préparés à partir de souches préexistantes ou bien les immunités développées les années précédentes sont inefficaces. D'où les pandémies qu'ont pu faire naître certaines nouvelles souches de la grippe.
La "grippe espagnole" et ses 30 millions de morts
Les mutations du virus de la grippe ont ainsi provoqué trois pandémies de masse dans l'histoire humaine. La plus connue, car elle a été la plus meurtrière, est la grippe "espagnole" survenue en 1918, ainsi dénommé car c'est dans ce pays où elle a été la plus médiatisée. En France, son expansion fut censurée dans un contexte de guerre. Né en Chine, puis passé aux Etats-Unis où il aurait muté, son virus a touché le vieux continent où il fait environ 30 millions de morts (dont 400.000 en France). Issu d'une souche probablement aviaire H1N1, il aurait sévi ensuite de manière épisodique jusqu'en 1925.
Les autres pandémies du 20e siècle sont la grippe asiatique (H2N2) qui a tué 4 millions de personnes en 1957 et celle de Hong Kong (H3N2) en 1968 qui en a tué 2 millions (dont 40.000 en France).
La dernière pandémie en dte, celle de 2009, a été bien moins meurtrière avec environ 18.000 morts, principalement dans les groupes à risque (personnes âgées ou immunodéprimées). Classé dans les H1N1, cette grippe d'un type nouveau avait la particularité d'être pourvue de gènes en provenance de virus humain, porcin et aviaire.
Quid de la grippe 2017-2018 ?
La France, où entre 2 et 8 millions de personnes sont touchées chaque année, va être touchée cet hiver par la souche H3N2, ce qui augure "une saison difficile" selon l'étude parue lundi dans les Comptes rendus de l'Académie américaine des sciences (PNAS). Cette souche qui a déjà frappé en 2015 et en 2016 n'a été que partiellement contrée. Le vaccin actuellement administré ne protège en effet que 20 à 30% seulement des personnes.
Mais selon les chercheurs, ce n'est pas la nature du virus qui est cause mais bien son processus de fabrication qui se fait actuellement en majorité dans des oeufs de poule. Selon le chercheur américain Scott Hensley et son équipe, la protéine mutante du virus H3N2 se développe mal dans ce type de culture. Bien qu'ils demandent à investir dans de nouvelles technologies, ils rappellent que la vaccination reste importante car mieux vaut une protection limitée que pas de protection du tout.