Pour Marisol Touraine, "c'est la fin d'un tabou et d'une discrimination". La ministre de la Santé a annoncé mercredi l'autorisation, sous conditions, du don du sang pour les homosexuels. Elle s'était engagée dès 2012 à revenir sur cette interdiction, conformément à la promesse faite par François Hollande pendant la campagne présidentielle. "Donner son sang est un acte de générosité, de citoyenneté, qui ne peut être conditionné à une orientation sexuelle", a encore déclaré la ministre, précisant que ce changement se ferait "par étapes", dans "le respect absolu de la sécurité des patients".
• Quelle était la règle jusqu'à présent ? En France, l’interdiction de donner son sang pour les hommes ayant des rapports sexuels avec d’autres hommes est en vigueur depuis 1983, peu après la découverte du sida. Cette interdiction était justifiée par une plus forte présence du VIH dans cette population et sur l’existence d’une "fenêtre silencieuse" de dix jours, pendant lequel le virus est indétectable dans le sang collecté.
• Est-ce une ouverture totale ? Non. L'interdiction de donner son sang pour les homosexuels est levée mais l'ouverture se fera "par étapes" à partir du printemps 2016 pour garantir la sécurité des receveurs. Marisol Touraine justifie ces règles différentes par une volonté d'assurer la sécurité des transfusions. Au Monde, la ministre précise qu'une étude sur le terrain sera menée sur ces nouveaux donneurs. Si cette étude démontre qu'il n'y a pas de risques, les règles du don du sang pour les homosexuels se rapprocheront dès 2017 des règles générales appliquées aux autres donneurs.
• Comment sera assurée la sécurité des transfusions ? Dans un premier temps, le don du sang total (plasma, plaquettes et globules rouges) ne sera ouvert qu'aux homosexuels n'ayant pas eu de relations sexuelles avec un autre homme depuis 12 mois, sur la base d'un questionnaire et d'un entretien.
Les hommes qui, au cours des quatre derniers mois, n'ont pas eu de relation homosexuelle ou ont eu un seul partenaire, auront la possibilité de donner leur plasma (partie liquide du sang qui sert notamment en chirurgie). Celui-ci sera mis en quarantaine pendant deux mois et demi environ pour s'assurer de son innocuité.
• Les donneurs peuvent-ils mentir ? Personne n'a intérêt à le faire sachant que tout donneur est un bénéficiaire potentiel. Pour autant, l'entretien et le questionnaire étant "déclaratifs", c'est la bonne foi du donneur, qu'il soit homosexuel ou hétérosexuel qui compte. Invité d'Europe Midi, le directeur de l’Etablissement français du sang Ile-de-France a insisté sur la nécessité d’"un lien de confiance entre le donneur et la personne qui l’interroge". "Il faut que le donneur soit conscient des risques pour le malade… mais au même titre que d’autres populations de donneurs", a fait remarquer Philippe Bierling.
• Qu'en pensent les associations ? Les associations ont salué cette "avancée", mais la plupart déplorent que les conditions du don ne soient pas les mêmes pour tous, notamment l'abstinence pendant 12 mois exigée des seuls homosexuels. "Etre gay n'est pas un risque, être hétérosexuel n'est pas un risque. Le seul risque, ce sont les comportements", a réagi Jean-Luc Roméro, président d'Elus locaux contre le Sida (ECLS) qui dénonce "une vision toujours marquée par une stigmatisation des homosexuels".