Depuis trois jours, une polémique fait rage entre le gouvernement (et au sein même du gouvernement) et la maire écologiste de Lyon Grégory Doucet. En cause, l’annonce par l’élu local de la mise en place à partir de lundi d’un menu unique sans viande dans les cantines scolaires de sa ville. Certains ministres l’accusent de nuire à la santé des enfants en les privant de viande, alors que l’édile se défend en arguant que les repas comporteront des protéines animales via des œufs et du poisson.
Loin des débats politiciens, les docteurs Jimmy Mohamed, consultant santé d’Europe 1, et Arnaud Cocaul, médecin nutritionniste, attaché à l'Hôpital de la Pitié-Salpêtrière à Paris, font le point sur les réels besoins des enfants. Avec la même conclusion : les protéines animales sont indispensables à leur bonne santé, mais cela ne passe pas forcément par la consommation de viande.
Les protéines animales plus efficaces que les végétales
"Les protéines contribuent avec les glucides et les lipides, à l'apport en énergie. Elles jouent un rôle essentiel, car elles participent au renouvellement des tissus musculaires, de la peau, des ongles, des cheveux et même de l'os. Et elles participent aussi à la fabrication des hormones, des anticorps et de l'hémoglobine", explique Jimmy Mohamed. Il existe deux types de protéines : végétales et animales.
Et clairement, les premières sont plus efficaces que les secondes, à en croire le médecin. "Pour avoir une alimentation équilibrée, vous devez associer plusieurs protéines végétales, c'est à dire avoir à la fois des céréales, des légumineuses, des légumes, pour éviter les carences", explique notre consultant santé. "Alors que dans les protéines d'origine animale, vous avez tout ce qu'il faut en une fois."
Le régime végétalien déconseillé pour les enfants et les adolescentes
Dernier argument en faveur des protéines animales : "elles sont extrêmement riches en fer et le fer d'origine animale est mieux assimilé que le fer d'origine végétale", reprend Jimmy Mohamed. "Ce n'est donc pas une idéologie de dire que les enfants doivent manger de la viande ou du poisson. C'est tout simplement bon pour leur santé", en conclut le médecin.
Il est rejoint par son confrère Arnaud Cocaul, qui déconseille le menu végétalien à certains publics. "Proposer un menu uniquement végétalien à un enfant en bas âge, je trouverais ça aberrant parce que ça pourrait poser des problèmes, en particulier chez les jeunes filles", explique le nutritionniste. "Les adolescentes, au moment de la puberté, peuvent aussi avoir des pertes importantes au niveau des règles et pourraient avoir des carences en fer qui seraient dommageables pour leur santé", ajoute-t-il. "Se contenter de protéines végétales, c'est un choix que doit faire un adulte, par rapport à des considérations éthiques, philosophiques ou religieuses."
Pourquoi les enfants peuvent tout de même se passer de viande
Mercredi, le ministre de l’Agriculture Julien Denormandie a affirmé sur RTL que la décision de priver les enfants de viande était "aberrante du point de vue nutritionnel". "Je ne peux pas le rejoindre", répond Arnaud Cocaul. "Il y a moyen de ne pas manger de viande et d’être parfaitement équilibré en tous points, que ce soit au niveau des nutriments, des vitamines ou des minéraux."
Il existe en effet de nombreuses alternatives à l’alimentation carnée : "les poissons, les fruits de mer, les œufs, les produits laitiers", énumère Jimmy Mohamed. "Un enfant qui ne mange pas de viande, dès lors qu'il a d'autres sources de protéines et en particulier animales, par exemple des œufs ou du poisson, il peut être parfaitement équilibré", insiste Arnaud Cocaul.
Pourquoi il ne faut pas manger trop de viande
Le nutritionniste ne conseille pas pour autant de se passer de viande. "Je trouve dommage d'occulter la viande parce que ça fait partie de notre panel alimentaire habituel. Je pense qu'il faut manger de tout, qu'il faut élargir la palette alimentaire et ne pas faire de guerre de tranchées au niveau de tel ou tel type alimentaire".
En revanche, trop de viande nuit à l’organisme. "Au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale, on disait que pour être fort comme un bœuf, il fallait manger de la viande. Pendant longtemps, on a exagéré sur les portions", rappelle Arnaud Cocaul. "Il y a des considérations au niveau médical qui font qu'on doit se limiter, par exemple chez les adultes, à 500 grammes de viande par semaine. On a des familles qui sont très tournées sur le côté carné. Mais manger trop de viande, ça peut être nocif pour notre santé. Et ça peut être également un marqueur d'une alimentation qui est plus tournée vers des produits gras."
Le nutritionniste prodigue alors ses conseils : "Si vous mangez de la viande, prenez-en moins, peut-être deux ou trois fois dans la semaine, mais de meilleure qualité. Privilégiez des morceaux plus nobles et vous pouvez diversifier avec du poisson, prendre des œufs". Et ne pas oublier, bien sûr, les autres produits. "On peut prendre des légumineuses, les céréales, qui sont très intéressantes également, qui permettent d'avoir une curiosité alimentaire et revenir vers des alimentations traditionnelles d'autres pays qui mangent habituellement sain", conclut le médecin.