"L'urine, c'était ma médecine." Cette phrase, prononcée par le président bolivien Evo Morales en 2014 au cours d'une cérémonie publique, avait alors déclenché la surprise et l'hilarité de la communauté internationale. Cependant, cette idée étonnante fait depuis quelques années son chemin.
Dans son ouvrage Le rein a bon dos publié en avril, le physiologiste André Giordan consacre d'ailleurs plusieurs chapitres aux vertus de l'urine, dont certaines sont connues depuis l'Antiquité. Ce liquide, dont nous produisons jusqu'à un litre et demi par jour, est même qualifié de "pétrole du 21ème siècle" par le professeur.
Pour autant, la Miviludes (Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires) répertorie toujours "l'amaroli", la thérapie par l'urine, parmi les pratiques thérapeutiques à risque de... dérive sectaire. Comment donc faire le tri entre les bons et les mauvais usages ? Europe 1 fait le point.
Assainir une plaie et permettre sa cicatrisation. C'est là l'un des bienfaits les plus connus de l'urine : désinfecter et cicatriser les plaies. Dès les premiers chapitres de son ouvrage, André Giordan rappelle que cette "technique de grand mère" est connue depuis la préhistoire. L'anatomiste Ambroise Paré, père de la chirurgie moderne, préconisait lui aussi l'urine à cette fin. L'explication ? L'urine est un liquide stérile et neutre qui ne brûle pas mais qui permet l'éradication des bactéries.
Mais si vous ne vous sentez pas de remplacer vos désinfectants habituels, pas de panique : ces dernier sont aussi très efficaces ! Les scientifiques préconisent surtout l'urine en cas de situation extrême. Dans le livre Survivre, comment vaincre en milieu hostile, le médecin Xavier Maniguet rappelait d'ailleurs que ces qualités de désinfectant peuvent se révéler utiles dans des situations telles que l'alpinisme de haut niveau ou la randonnée en milieu très sauvage.
" La plupart des partisans de cette pratique boivent leur propre urine, prélevée en milieu de jet, le matin "
Le secret d'une peau plus saine. Boire une petite gorgée de son urine matinale chaque jour permettrait... d'avoir une peau plus saine. Cette affirmation surprenante (et peu ragoutante) est aussi celle de la spécialiste en médecine douce Martha Christy, dans son ouvrage Your Own Perfect Medicine, paru dans les années 1990, ainsi que celui de millions d'adeptes de l'urinothérapie à travers le monde.
"La plupart des partisans de cette pratique boivent leur propre urine, prélevée en milieu de jet, le matin. Certains se la servent nature et bien chaude, d'autres la mélangent à du jus ou à des fruits. On recommande parfois la prise sublinguale de quelques gouttes d'urine dans cinq millilitres d'eau, plusieurs fois par jour", peut-on par exemple lire sur l'agence de presse officielle Xinhua, selon des propos traduits par Terrafemina.
Plus fou encore : selon Martha Christy, utiliser son urine en guise de gouttes pour les yeux et pour le nez serait bénéfique afin de lutter contre l'acné. Une pratique fréquente en Grande-Bretagne selon un article du Telegraph paru il y a deux ans. "C'est très bon pour lutter contre les boutons. Vous mettez un peu d'urine sur un coton et pressez celui-ci contre le bouton pendant un moment. Ça le déssèche", explique une journaliste citée par le journal anglais.
Dans une interview accordée au Point, André Giordan précise cependant qu'aucune étude sérieuse n'a pour l'instant confirmé l'intérêt de l'urine sur la peau. Cette pratique n'aurait toutefois "pas d'effet néfaste à dose limitée".
" Les urines racontent votre vie "
Fortifier et mieux comprendre son système immunitaire. Si les urines pourraient avoir des effets bénéfiques sur notre apparence, elles pourraient aussi avoir des vertus invisibles. Pour André Giordan, "les urines racontent votre vie". Elles sont ainsi capables de renseigner sur l'état de l'organisme d'un individu, tout en permettant de dépister des possibles troubles.
De plus, selon certaines études, l'urine agirait à la manière d'un "fortifiant" du système immunitaire. Ce postulat est à la base du développement de l'urinothérapie, aussi dite "amaroli". Selon les adeptes de cette thérapie un peu particulière, l'urine permettrait de soigner certaines infections telles que les mycoses grâce aux substances actives qu'elle contient. Parmi ces substances, on peut notamment citer les sels minéraux, les acides ou encore certaines vitamines. Si elles suscitent l'intérêt des scientifiques, ces techniques restent toutefois loin d'être confirmées.
En 2014, un article de 20 minutes rappelait d'ailleurs que Madonna avait déclaré sur le plateau du "Late Show with David Letterman" qu'elle urinait sur ses pieds afin de soigner ses champignons et mycoses... Une technique surprenante qui avait alors étonné plus d'un fan.
" Il est absurde de s'infliger à nouveau ce que le corps a déjà éliminé "
Réduire le risque de maladies cardio-vasculaires. Parmi les autres substances naturellement contenues dans l'urine, certaines intéressent tout particulièrement les scientifiques : il s'agit des enzymes, des protéines nécessaires au bon fonctionnement de l'organisme.
L'industrie pharmaceutique va jusqu'à utiliser l'urokinase, l'une de ces enzymes, afin de mettre au point des traitements face aux thromboses artérielles. Pour rappel, la thrombose artérielle correspond à la formation d'un caillot obstruant un vaisseau sanguin. Dans les pires cas de figure, une thrombose peut mener à un infarctus du myocarde ou à un accident vasculaire cérébral (AVC). En 1999 déjà, le magazine Psychologies soulignait que pour certains médecins, "la récupération de l'urine par l'industrie pharmaceutique est une preuve de l'efficience de l'urinothérapie".
Des pouvoirs cependant contestés. Ces études et observations ne font, toutefois, pas l'unanimité. En 2007, l'allergologue allemand Walter Dosch déclarait ainsi à l'hebdomadaire allemand Focus que pour lui, il était "absurde sur le plan biologique de s'infliger à nouveau ce que le corps a déjà éliminé". Plus loin, le professeur précisait qu'il faut garder en mémoire que "l'élimination est toujours une détoxification".
De même, le médecin allemand Christoph Bickel confiait en 2013 à la version en ligne de l'hebdomadaire Der Spiegel que lorsque l'urine est conservée longtemps après avoir été éliminée, il est possible qu'elle ait été la cible d'une "contamination bactérienne". Autant de prises de position qui montrent que le débat sur l'urinothérapie est loin d'être tranché. Et qu'en l'attente d'avancées scientifiques réelles, l'urine reste un produit à consommer avec modération.