Les autorités sanitaires veulent en finir. Mais tous les patients ne sont pas d’accord. Mercredi se tient une journée décisive dans la crise de la nouvelle formule du Levothyrox. D’un côté, une réunion du groupe de suivi se tient au ministère de la Santé, avec l’Agence du médicament (l’ANSM), celle-là même qui avait réclamé au laboratoire Merck une nouvelle formule de son médicament star pour le rendre plus résistant au temps. La quatrième réunion du genre, mais surtout la dernière, ont prévenu les autorités, pour qui le dossier est clos.
Sauf que dans le même temps, l'Association française des malades de la thyroïde (AFMT) a organisé deux rassemblements, l’un dans la matinée devant l’Assemblée, l’autre dans l’après-midi devant le ministère de la Santé, pour montrer que pour les beaucoup d’intéressés, rien, ou presque, n’est réglé. Et apporter des éléments nouveaux
- Pourquoi certains patients se plaignent-ils encore ?
Un an après le début de la crise du Levothyrox, des milliers de malades, des femmes en très grande majorité, se sont plaintes d’effets secondaires, comme des nausées, des maux de tête, des troubles gastriques. Aujourd’hui, elles n’ont pas retrouvé le confort de leur vie d’avant la mise sur le marché de la nouvelle formule du médicament, selon l’AFMT. "Un an après la mise sur le marché de cette prétendue ‘meilleure thérapeutique’ de nombreux patients n’ont pas encore pu retrouver un équilibre hormonal satisfaisant", écrivait le 26 avril dernier l’association sur son site internet. Par ailleurs, de nombreux patients ont fait le choix de s’alimenter en ancienne formule du Levothyrox à l’étranger, en Belgique, en Italie, en Suisse ou encore au Luxembourg. Quitte à se passer du remboursement par la Sécurité sociale.
"On met en évidence des nanoparticules". Mercredi, l’AFMT a apporté un fait nouveau. Elle a appelé la justice à examiner le rôle que pourraient avoir selon elle des nanoparticules de métal dans les effets secondaires de la nouvelle formule du médicament. "On met en évidence des nanoparticules avec des alliages fer-chrome, chrome-nickel, fer-chrome-silicium, ferrochrome-aluminium, alors que dans l'ancienne formule il y avait seulement quelques débris d'acier", a expliqué lors d’une conférence de presse le docteur Jacques Guillet, qui a mené des analyses à la demande de l'AFMT.
Au côté notamment de la comédienne Anny Duperey, qui a énormément contribué à médiatiser le mal-être des patientes (notamment sur Europe 1) ce spécialiste de médecine nucléaire a précisé avoir passé sous son microscope et à la spectrométrie "plusieurs dizaines de comprimés" de Levothyrox nouvelle formule et ancienne formule (aujourd'hui appelée Euthyrox). Il a aussi répondu au laboratoire Merck, qui a rappelé dans un communiqué que "tous les contrôles se sont révélés conformes aux spécifications". "Il n'y a aucune spécification sur ces métaux dans les textes réglementaires", a rétorqué le Dr Guillet.
- Pourquoi les autorités veulent-elles mettre fin à l’affaire ?
Le ministère de la Santé et l’Agence du médicament ont souvent cherché à relativiser l’ampleur de l’affaire. Fin janvier, ils avaient ainsi assuré que seuls 17.000 signalements d’effets indésirables avaient été officiellement effectués auprès de l’ANSM, soit 0,75% des patients. Début mars, le ministère de la Santé avait aussi affirmé que près de 500.000 patients s’étaient tournés vers un médicament alternatif. Longtemps en situation de monopole, Merck doit désormais faire avec trois concurrents comportant la fameuse thyroxine : le Thyroxin Henning (laboratoire Sanofi), le L-Thyroxine (Serb), et le Thyrofix (Unipharma). Un quatrième, Tcaps (Laboratoires Genevrier), est annoncé.
"Les patients ont désormais des alternatives", expliquait le ministère de la Santé le 20 avril dans Le Parisien. Tout en confirmant qu’il "n’y aura pas de retour à l’ancienne formule". Des arguments qu’ils devraient répéter mercredi. "La continuité de l’approvisionnement des diverses alternatives n’est pas garantie partout", assurait de son côté l’AFMT sur son site internet le 26 avril dernier.
- La justice va devoir trancher
Une chose est sûre, l’affaire du Levothyrox passera par la case judiciaire. Car près de 7.000 plaintes contre X ont été déposées dans toute la France, notamment pour blessures involontaires, mise en danger de la vie d’autrui et tromperie aggravée. Une enquête, ouverte début mars, est menée par la juge d’instruction Annick Legoff, du pôle santé publique du tribunal de Marseille.
"Une catastrophe sanitaire qui n'est pas prise en compte". L'Association française des malades de la thyroïde a elle aussi décidé de se lancer dans la bataille judiciaire. L’avocate de l’AMFT, Marie-Odile Bertella-Geffroy, a recueilli plus d’un millier de plaintes, selon France Info. "C'est un scandale d'ampleur, une catastrophe sanitaire qui n'est pas prise en compte comme elle devrait l'être", accuse-t-elle.
Enfin, une action collective a été lancée par Maître Christophe Lèguevaques à l’encontre du laboratoire Merck, pour défaut d'information et préjudice d'angoisse. Plus de 4.000 dossiers ont été enregistrés. L’avocat réclame plus de 10.000 euros par patients en guise de réparation. La date du procès a déjà été fixée. Ce sera le 1er octobre prochain à Lyon.