Est-ce une bombe à retardement ? Depuis le début de la crise du coronavirus, les professionnels de santé ont constaté une chute des admissions aux urgences partout en France. "On a une baisse de 60% des hospitalisations", affirme sur Europe 1 la professeure Claire Mounier-Vehier, cheffe de service à l'Institut Cœur-Poumon du CHRU de Lille. Mais depuis plusieurs jours, "on voit arriver des urgences cardiologiques très graves, des formes d'infarctus qu'on ne voyait plus". Et la situation des femmes inquiète particulièrement.
Parmi ces hospitalisations en baisse depuis un mois, les femmes sont inhabituellement sous-représentées. "On a surtout des hommes : environ 80% d'hommes et 20% de femmes, et ce n'est pas normal du tout", craint Claire Mounier-Vehier, co-fondatrice d’Agir pour le cœur des femmes. "Les femmes ne consultent pas et attendent le dernier moment."
Ne pas attendre en cas d'alerte
Or, "les maladies cardio-vasculaires tuent 200 femmes par jour en France" et représentent "la première cause de mortalité chez elles", rappelle la spécialiste dans Sans Rendez-vous, vendredi. De plus, "elles sont moins bien dépistées" que les hommes. Comme le confinement occasionne "plus de stress, plus de tabagisme et plus de sédentarité", les femmes "ne vont pas s'écouter".
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"Ce que nous craignons, c'est qu'il y ait des pertes de chances" de survie en bonne santé, alerte la professeure sur Europe 1. "Pour un infarctus, on a maximum trois heures pour revasculariser une artère qui nourrit le coeur. Si les femmes concernées attendent, on va passer au stade de complication voire au stade de mort à domicile."
Des symptômes différents de ceux des hommes
Comment prévenir une vague de maladies cardio-vasculaires en sortie de crise ? Il faut déjà prendre conscience, pour l'infarctus du myocarde par exemple, que les symptômes chez les femmes sont atypiques par rapport à ceux des hommes. "Comme les symptômes sont très particuliers, sans douleur thoracique par exemple, ça peut passer inaperçu", pointe la professeure. "On a des femmes qu'on diagnostique au stade de l'insuffisance cardiaque. Ces femmes ont des formes d'infarctus qui évoluent à bas bruit, avec des petites lésions. Au moment où elles vont se dire que ça ne va pas, on va se rendre compte qu'on ne pourra pas les revasculariser."
Il faut donc redoubler de vigilance sur les "signes qui alertent plus", comme "l'essoufflement à l'effort" : "Les femmes qui s'occupent de la vie de la maison et qui sont fatiguées pour le faire" doivent s'interroger, estime la spécialiste, qui évoque également "l'angoisse" et les "symptômes digestifs". "Ce ne sont pas toutes les femmes, mais essentiellement des femmes fumeuses, stressées, en isolement social, précaire, diabétiques ou avec de l'hypertension artérielle."