Pouvait-on anticiper la pénurie de masques, connue au début de la crise sanitaire du Covid-19 ? Oui, selon le rapport de la commission d'enquête du Sénat sur la gestion de l'épidémie, qui a rendu jeudi ses conclusions dans un rapport de plus de 400 pages, étrillant le gouvernement et particulièrement le directeur général de la Santé, Jérôme Salomon. Selon les sénateurs, ce dernier aurait fait pression sur des experts scientifiques pour empêcher la publication d'un rapport qui établissait le stock de masques nécessaires à un milliard, en cas de pandémie. L'auteur du rapport, Jean-Paul Stahl, nie toute influence sur Europe 1.
Un rapport datant de 2018 au coeur de la polémique
A l'origine de la polémique, un rapport commandé par Santé publique France au printemps 2018, initialement axé sur le remplacement du Tamiflu, médicament contre la grippe dont le stock arrivait à date de péremption. Au fil des pages, les experts scientifiques font plusieurs recommandations en cas de pandémie grippale sur les médicaments à prévoir, le matériel médical et les masques. Un milliard seraient nécessaires selon eux. Dans le détail : 20 millions de boîtes de 50, en considérant que 30% de la population serait atteinte.
Or, à cette époque, le ministère de la Santé cherche à faire des économies sur ses stocks. Et Jérôme Salomon, directeur général de la Santé, ne commande ainsi que 50 millions d'unités. D'après la commission d'enquête du Sénat, qui a eu accès à un échange de mails, le DGS aurait par la suite cherché à faire modifier les préconisations du rapport, pour accréditer sa décision de commander moins de masques.
"Il n'a pas été modifié"
Y-a-t-il eu pression sur les experts ? Le rapport a finalement été remis en mai 2019 sans avoir été modifié, confirme son auteur, le professeur Jean-Paul Stahl, du CHU de Grenoble. "Nous les experts, on n'a jamais eu de contacts directs avec Jérôme Salomon sur ce sujet. La seule chose que je constate, c'est que le rapport tel qu'il a été publié est exactement celui qu'on a signé. Il n'a pas été modifié", assure-t-il au micro d'Europe 1.
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Aucune pression directe selon lui, donc. Néanmoins, cet échange de mails et le rapport de la commission d'enquête confirment que Jérôme Salomon était au courant des stocks de masques nécessaires en cas d’épidémie sur le territoire.