"Moi, quand j'ai commencé à l'époque, quand on se faisait taper, on me disait que c'était le métier qui rentrait", confie Pierre, infirmier dans un service d'urgences depuis 11 ans, qui a connu la violence dès le début de sa carrière. "On a été éduqué comme ça par les médecins, par les supérieurs, par tout le monde", ajoute-t-il. Les agressions ont donc rythmé ses nuits de gardes.
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"Verbalement, c'est tous les jours. Les seules (agressions) dont on se souvient vraiment, c'est ceux où on a dû après se faire soigner ou s'arrêter", explique l'infirmier, détaillant ces maltraitances : "Je me suis pris un coup de pied dans la tête, pied chassé, et une plaie au tympan. J'ai dû faire un scanner et je me suis fait arrêter."
Une équipe "touchée" psychologiquement
Ce qui a en réalité traumatisé Pierre, ce sont surtout les attaques envers ses collègues. "Dernièrement, un collègue à deux semaines de la retraite s'est fait étrangler. On devait être sept ou huit sur la personne pour essayer de la faire relâcher, il était en train de nous le tuer", se souvient-il, soulignant que "toute l'équipe avait été touchée" et qu'elle l'était "encore actuellement". "Aussi, un patient qui a foutu le feu dans les poubelles. Sur l'intoxication au carbone, la collègue a perdu son enfant", ajoute l'infirmier.
C'est pour faire face à ces différentes violences envers les personnels soignants qu'une première réunion de concertation s'est tenue jeudi pour établir un plan de lutte, et cette concertation doit s'achever fin mai. Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée chargée de l’Organisation territoriale et des Professions de santé, est en charge de la mise en œuvre d'un plan d'action d'ici l'été.
84% des aides-soignants disent subir régulièrement des agressions physiques
Au total, 37% des professionnels de santé hospitaliers disent subir régulièrement des agressions physiques, et ce chiffre s’élève à 84% pour les aides-soignants selon le baromètre MNH-Odoxa 2022. L’Observatoire national des violences en milieu de santé a recensé en 2021 34.550 professionnels victimes de ces violences.
Toutefois, Pierre dénonce une aggravation de la situation ces 11 dernières années. "C'est devenu de plus en plus violent et de plus en plus dangereux pour nous d'exercer aux urgences, tout simplement parce que les conditions d'accueil et les conditions de travail qu'on avait étaient de pire en pire. Les gens, quand ils attendent huit ou neuf heures, pètent un plomb." Augmenter les moyens attribués à l'hôpital permettrait, selon l'infirmier, de réduire les violences. Peut-être une piste de réflexion pour la concertation.