Plus de 50 millions de personnes en sont victimes chaque année sur la planète. Il est aussi responsable d'un décès sur quatre dans le monde et constitue la quatrième cause de mortalité dans le monde. Lui, c'est le sepsis, une infection très dangereuse, parfois mortelle, mais qui passe étrangement sous les radars dans l'Hexagone où il tue pourtant 80.000 personnes chaque année. En mai 2017, lors de son assemblée générale, l'Organisation mondiale de la Santé en a fait une priorité de santé publique, au regard notamment des séquelles engendrées et dont la prise en charge représente chaque année environ 1 milliard d'euros.
Concrètement, le sepsis se caractérise par "une réponse anormale de notre système de défense immunitaire face à la présence d'un agent infectieux", explique le Professeur Djillali Annane, médecin-réanimateur, responsable de l'IHU Prometheus à l'hôpital Raymond-Poincaré de Garches, dans les Hauts-de-Seine. Ce système immunitaire peut alors apporter une réponse excessive qui "au lieu de nous débarrasser de l'influx infectieux va endommager nos propres organes vitaux". La situation inverse peut également survenir avec un système immunitaire incapable de nous prémunir ni de l'agresseur, ni des milliards de bactéries qui sommeillent en nous.
"Trois symptômes doivent alerter"
À priori, personne n'est à l'abri de contracter un sepsis. "Raison pour laquelle il y a autant de cas dans le monde", souligne le Professeur Annane. Néanmoins, des personnes sont naturellement plus à risque de croiser la route de cette infection. "Ce sont les nouveaux-nés et les personnes de 60 ans et plus, quel que soit leur état de santé", expose le praticien. Les personnes porteuses d'une maladie chronique, atteintes d'un cancer, ou même les patients guéris d'un cancer, courent davantage de risques que le reste de la population.
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Pour détecter la présence d'un sepsis, "trois symptômes doivent alerter : d'abord, une fatigue extrême, ensuite le sentiment de ne plus trouver ses mots et lorsque l'entourage ne comprend plus ce que l'on dit", énumère le Professeur Annane. Une réponse thérapeutique existe néanmoins. "Il faut s'attaquer de façon rapide, ferme et définitive à l'agent infectieux, avec des antibiotiques adaptés. Ensuite, il faut venir soutenir le plus précocement possible les fonctions vitales. Ça va être un apport d'oxygène, le maintien d'un certain volume d'hydratation ou bien, lorsqu'on est face à un excès de réponse inflammatoire, la corticothérapie, dans les formes les plus marquées, est un traitement qui peut être efficace".
Une méconnaissance y compris dans le corps médical
Néanmoins, le nombre famélique de campagnes de prévention en France pose d'importants problèmes. "Comme le sepsis est méconnu, la réponse thérapeutique est assez limitée", déplore le Professeur Annane. Une confidentialité difficilement explicable et qui en fait une spécificité française. "Aux États-Unis, une enquête relativement récente avait montré que plus de 75% de la population savait ce qu'était le sepsis. En France, on est à moins de 10%. En Belgique, plusieurs émissions télévisées sur des chaînes grand public ont été consacrées au sepsis et à sa prévention. Dans les pays scandinaves, en Angleterre ou en Australie, les programmes d'éducation pour la prévention du sepsis sont inclus dans les programmes scolaires", rapporte Djillali Annane.
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Malheureusement, cette ignorance est également visible au sein du corps médical. "Ça fait trois ans que l'on travaille avec 14 sociétés savantes. Et durant ces trois années de travaux pour l'élaboration des recommandations, on s'est rendu compte que beaucoup de collègues, de différentes spécialités, n'étaient pas suffisamment formés et méconnaissaient le sepsis, sa fréquence et ses conséquences", regrette Djillali Annane. Une meilleure appréhension du sepsis permettra l'élaboration d'une véritable organisation dédiée, dans les services hospitaliers et d'une filière de soin adaptée. Des recommandations de bonnes pratiques à adopter face à un sepsis, fruit du travail mené par le Professeur Annane et ses collègues avec la Haute Autorité de Santé, doivent être publiées avant la fin de l'année.