Pour tourner la page du Covid-19, des mesures s'imposent afin de rendre de nouveau attractif le métier de soignant à l'hôpital. Invité d'Europe Matin week-end samedi, Mathias Wargon, le directeur des urgences de l'hôpital Delafontaine à Saint-Denis, près de Paris, a avancé ses propositions, deux jours après l'annonce du programme d'Emmanuel Macron. Il explique au micro de Thierry Dagiral pourquoi il faut revoir tout le système hospitalier pour répondre à la "crise de sens" des professionnels de santé.
Pourquoi les hôpitaux sont "mal organisés"
Mathias Wargon insiste d'abord sur cette crise de sens "extrêmement palpable. Il y a un départ de personnels, notamment paramédicaux des hôpitaux, avec un gros problème de recrutement, qui s'est accentué après le Covid." S'il s'agit d'un problème "mondial", l'auteur du livre Hôpital, un chef d'œuvre en péril (éditions Fayard) met en avant les conditions de travail en France, le salaire, ou encore le mauvais entretien des hôpitaux.
"Et puis, les hôpitaux sont mal organisés", enchérit Mathias Wargon. "Ils ne sont pas faits pour répondre à la demande, et à ce qu'on leur demande de faire. Il y a une espèce 'd'hospitalo-centrisme' en France qui fait qu'on y fait tout, et de façon pas tout à fait organisée", explique-t-il sur Europe 1.
Mettre à contribution d'autres acteurs de la santé
Dans son livre, le directeur des urgences affirme que beaucoup de tâches peuvent être faites par des médecins de ville. Un élément repris par le candidat Emmanuel Macron, qui souhaite une meilleure coordination entre médecins de ville et médecins hospitaliers. "La coordination oui, mais c'est très compliqué", rétorque Matthias Wargon. "Il faut s'organiser, et il n'y a plus beaucoup de médecins de ville. C'est pour cela que tous se retrouvent à l'hôpital", pointe le directeur des urgences.
Pour lui, "il faudrait aller au-delà et permettre à d'autres professions de pouvoir faire aussi s'occuper des patients de façon différente, comme les kinés, les infirmiers, avec des diplômes supplémentaires. Cela existe dans d'autres pays", précise le médecin, qui souligne que "tout le système de santé est à revoir".
Investir dans les Ehpad
Notant que la vie des gens a "changé", comme celle des médecins, Mathias Wargon argue qu'il ne faut pas "mettre des bouts de scotch sur des choses qui ne marchent pas déjà". Pour éviter cela, le président Emmanuel Macron a mis en avant le recrutement de 50.000 infirmiers et aides-soignants dans les Ehpad. Une proposition qui va dans le sens du directeur des urgences, favorable à l'entrée de la médecine dans ces établissements pour personnes âgées.
"Oui, sur le principe", indique-t-il, rappelant que des médecins coordinateurs étaient déjà présents dans ces établissements, "mais il n'y en a pas suffisamment, et ils n'ont pas la main sur les traitements et sur la prise en charge des patients. Là encore, il va falloir revoir ça", ajoute Mathias Wargon au micro de Thierry Dagiral.
Repenser le rôle de l'hôpital
Enfin, le directeur des urgences du centre hospitalier de Saint-Denis souhaite une grande concertation sur l'hôpital pour en repenser le rôle. Et le médecin de s'interroger : "Est-ce qu'on veut faire du programmé, du non-programmé ? Quelle est la place de la prise en charge de la dépendance ? On a des patients dépendants qui n'ont rien à faire à l'hôpital, et des jeunes patients encore plus difficiles à caser que des vieux patients."
Il faudrait aussi, selon Mathias Wargon, "revoir les financements, et pas forcément en déversant de l'argent partout (...). Il faut réorganiser les choses de façon beaucoup plus légère, agile, et pas tout faire sur l'hôpital qui est une structure extrêmement lourde et destinée à répondre à des problèmes complexes."