La somme est conséquente, mais ne convainc pas pour l'instant les syndicats. Mercredi, un mois après l'ouverture du "Ségur de la santé", le ministre Olivier Véran a proposé une hausse des rémunérations des personnels hospitaliers non médicaux, avec une enveloppe de six milliards d'euros pour revaloriser ces salaires. Mais sur Europe 1, jeudi, la déléguée générale de la Fédération hospitalière Zaynab Riet s'est inquiétée du fait que cette enveloppe devrait être partagée avec le secteur privé, et a réclamé plus de moyens. Pour l'économiste de la santé Fréderic Bizard, si le gouvernement veut mettre fin à la crise, il doit s'attaquer à d'autres maux qui minent l'hôpital public, comme la centralisation excessive ou la réforme des carrières.
"La revalorisation salariale n'est qu'un élément parmi d'autres d'un retour à une attractivité dans l'hôpital public", explique ce spécialiste. "Les hôpitaux publics souffrent d'un déficit d'attractivité, certes lié à une politique d'austérité sur les salaires ces dix dernières années", reconnaît-il volontiers. Mais, ajoute-t-il, une revalorisation des salaires "ne peut pas suffire à retrouver une attractivité".
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"Il y a un vrai problème de gouvernance interne et externe"
Quels sont, alors, ces autres problèmes auxquels l'exécutif devrait s'attaquer ? "Il y a un vrai problème de gouvernance interne et externe, qui fait qu'on a une forme de maltraitance institutionnelle vécue comme telle par les personnels", développe Frédéric Bizard. Par ailleurs, il y a aussi le problème des carrières à l'hôpital, "qui n'ont pas changé depuis 70 ans, et ne représentent plus vraiment un idéal pour les jeunes générations". Sans des décisions fortes sur ces sujets, l'économiste de la santé craint "une suite sans fin, et qu'on ne réussisse pas à satisfaire à court terme les exigences des syndicats".
Car la politique à destination de l'hôpital public ne peut se contenter de revalorisations salariales, souligne Frédéric Bizard. Il prend l'exemple des infirmières, moins bien payées dans le privé que dans le public (et alors que même dans le public, elles font partie des moins bien payées en Europe), mais qui évoluent dans "un meilleur environnement de travail", le privé étant touché par "moins de tensions sociales".
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"Il faut une décentralisation du circuit décisionnel"
L'invité d'Europe 1 plaide pour "une décentralisation du circuit décisionnel". Depuis une dizaine d'années, "on a considéré qu'il n'y avait qu'un seul chef à l'hôpital, le directeur de l'hôpital, c'est-à-dire un profil essentiellement administratif. On a centralisé la décision (...) et les professionnels de santé ont un sentiment assez marqué d'être complètement dépossédé de tout pouvoir d'action et de décision, alors que ce sont eux qui ont la connaissance du terrain, la relation aux patients".
Sans un "rééquilibre des pouvoirs", Frédéric Bizard redoute que ces 6 milliards d'euros ne représentent qu'une "bouffée d'oxygène pour quelques mois". Et de conclure : "Ça donne l'impression qu'on veut, à coup de milliards, permettre aux hôpitaux publics de vivre dans un environnement profondément dégradé".