Réalisée auprès de 32.137 salariés travaillant dans 39 entreprises de multiples secteurs, l’étude du cabinet Stimulus n’est pas exhaustive, mais affiche tout de même une précision rare. Selon cette agence d’experts en santé au travail, près de 24% des salariés français sont en "état d’hyper-stress". Les femmes (28%) sont davantage touchées que les hommes (20%). La tranche des 40-50 est la plus affectée. Et si l’on regarde dans le détail des métiers, ce sont les secteurs de la santé humaine et des actions sociales (42%), des arts, spectacles et activités récréatives (31%) ou encore ceux des services (29%) et des activités financières et d'assurances (28%) qui sont les plus touchés. Mais en quoi consiste également cette notion "d’hyper-stress", quelles en sont les sources et comment faire baisser la pression ? Eléments de réponse.
"L’hyper-stress", qu’est-ce que c’est ?
Le cabinet Stimulus définit cette notion comme "un niveau de stress trop élevé et donc à risque pour leur santé". Pour établir leurs statistiques, les experts de l’agence s’appuient sur un outil de mesure reconnu internationalement et comportant 25 questions, le "MSP 25" (pour mesure du stress psychologique). Les salariés répondent à des questions du type "êtes-vous tendu ou crispé", "avez-vous tendance à sauter des repas", "vous sentez-vous seul, isolé ou incompris", avez-vous "mal au dos, mal à la tête, mal dans la nuque, mal au ventre" ou encore "poussez-vous de longs soupires" et "sursautez-vous facilement" (la liste des 25 questions est à retrouver ici). Le salarié doit répondre, à chaque fois, par "pas du tout", "un peu", "plutôt oui" ou "beaucoup". Et en fonction des demandes recueillies, les experts les classent en fonction de trois catégories : peu de stress, stress moyen, et hyper-stress.
" Le déséquilibre entre les efforts consentis par la personne pour son travail et les récompenses est l'une des causes du stress "
La notion "d’hyper-stress" n’est pas formellement reconnue en France. Mais elle est similaire à celle de "stress chronique", qui est, elle, parfaitement identifiée. "Il faut distinguer d'un stress chronique l'état de stress aigu, qui fait partie de la vie professionnelle, quand il faut, par exemple, rendre un rapport dans l'urgence", précise ainsi Dominique Chouanière, médecin épidémiologiste spécialiste du stress au travail, dans un article pour l’Institut national de prévention et d'éducation pour la santé (INPES). Selon ce chercheur, le stress devient ainsi dangereux pour la santé "psychologique, mais aussi sur la santé physique, le bien-être et la productivité" lorsqu’il est particulièrement durable. "On peut faire une analogie avec l'hypertension : tout le monde a de la tension artérielle, le problème c'est quand on en a trop", résume encore le docteur Patrick Légeron, psychiatre à l'hôpital Sainte-Anne de Paris et fondateur de Stimulus, interrogé par l’Obs.
Quelles sont les causes de cet "hyper-stress" ou "stress chronique"
Selon l’étude de Stimulus, les sources sont très diverses et peuvent varier en fonction des personnes et des activités. Manquer de temps et devoir traiter de nombreuses et complexes informations, avoir des objectifs difficiles à atteindre, devoir s'adapter constamment ou encore manquer d'autonomie sont toutefois des causes régulièrement avancées par les salariés. "Le déséquilibre entre l'exigence psychologique du poste et la marge de manœuvre dont l'individu dispose pour faire son travail" et le "déséquilibre entre les efforts consentis par la personne pour son travail et les récompenses (monétaires ou symboliques) qu'elle en perçoit", sont également cités sur le site de l’INPES.
Quels sont les effets sur la santé d’une surdose de stress ?
Selon l’Institut national de recherche et de sécurité (INRS), rattaché à l’Assurance maladie, le stress peut fonctionner en trois phases : l’alarme (l’organisme se prépare à affronter une situation menaçante, contraignante ou tout simplement nouvelle, en produisant divers types d’hormones), la résistance (le corps sécrète encore de nouvelles hormones, qui augmentent elles-mêmes le taux de sucre dans le sang afin de nourrir les muscles et le cœur confrontés à la situation stressante) et l’épuisement. Cette dernière phase ne surgit que lorsque le stress se prolonge. "Dans cette situation, les capacités de l’organisme sont débordées. L'organisme est submergé d'hormones activatrices qui, si les tentatives de modification de la situation se révèlent inopérantes, peuvent devenir délétères pour la santé", décrit l’INRS.
Et c’est là que les complications peuvent arriver : hypertension, nervosité, fatigue, dépression… Le stress chronique peut entraîner de nombreux maux. L’INRS trie les symptômes en trois sortes :
-Symptômes physiques : douleurs (coliques, maux de tête, douleurs musculaires, articulaires, etc.), troubles du sommeil, de l'appétit et de la digestion, sensations d'essoufflement ou d'oppression, sueurs inhabituelles...
-Symptômes émotionnels : sensibilité et nervosité accrues, crises de larmes, angoisse, excitation, tristesse, sensation de mal-être...
- Symptômes intellectuels : perturbation de la concentration entraînant des erreurs et des oublis, difficultés à prendre des initiatives ou des décisions…
Mais l’institut alerte surtout : "si la situation de stress se prolonge encore, les symptômes précédents s'installent ou s'aggravent, entraînant des altérations de la santé qui peuvent devenir irréversibles". Hypertension artérielle, obésité abdominale, maladies cardiovasculaires, dépression, anxiété, troubles musculosquelettiques voire même cancers… Le stress chronique sur une trop longue période peut avoir des effets d’une extrême gravité.
Comment lutter contre l’hyper-stress ?
Le stress chronique n’est, en lui-même, pas reconnu comme une maladie professionnelle (contrairement à l'anxiété généralisée ou la dépression sévère, par exemple). Pourtant, selon la plupart des études scientifiques, c’est bien à l’entreprise de mettre en œuvre les solutions pour limiter les sources de stress. "La gestion individuelle du stress […] a une efficacité très limitée dans le temps car elle n'agit pas sur les causes du stress. La prévention du stress au travail doit identifier dans une situation de travail les contraintes qui génèrent du stress et repérer les facteurs collectifs dans l'organisation du travail qui génèrent ces contraintes", peut-on lire sur le site de l’INPES.
À titre individuel, certaines méthodes de relaxation comme la sophrologie, le yoga, la méditation, ou d’autres comme le "training autogène", la "technique de Jacobson" ou encore les techniques dites de "cohérence cardiaque" peuvent toutefois aider à relâcher un peu la pression. Mais elles n’auront qu’un impact limité en l’absence d’une refonte de votre environnement de travail.