La prouesse est indéniable, mais elle ne profite malheureusement pas à tout le monde. Début juin, moins de six moins après le début des premières campagnes de vaccination, le cap des deux milliards de doses de vaccin contre le Covid-19 administrées dans le monde a été franchi. Mais le partage des doses avec les pays pauvres reste un problème, comme en Afrique, où les livraisons sont quasiment à l'arrêt. Au 4 juin, le dispositif international Covax avait livré 80 millions de doses dans 129 pays et territoires, soit bien moins que prévu. Invité mercredi d'Europe 1, Stéphane Bancel, PDG de Moderna Therapeutics, appelle donc à une "coopération internationale plus importante", mais prévient que la levée des brevets, réclamée par certains, serait une fausse bonne idée.
Comment donner accès aux vaccins aux pays les plus pauvres ? La coopération internationale doit être plus importante, estime-t-il, notamment "au niveau de la disponibilité de vaccins pour Covax". Sur Europe 1, il insiste sur l'importance de pouvoir exporter les doses. Or, "aujourd'hui, on a un gros problème depuis le démarrage de la crise et la production des vaccins, par exemple aux Etats-Unis, on n'a pas eu le droit d'exporter et donc on est en train de travailler avec les autorités américaines pour pouvoir exporter et aider les pays pauvres", dit-il.
"L'aspect financier n'est pas un frein"
Et alors que le vaccin de Moderna figure parmi les plus chers, Stéphane Bancel assure qu'aujourd'hui, "l'aspect financier n'est pas vraiment un frein pour l'accès des vaccins à n'importe quel pays de la planète". Et de citer notamment la Banque mondiale "qui a organisé pour les Philippines la mise à disposition de fonds pour acheter les vaccins".
Mais accélérer la production n'est-il pas possible ? Fabriquer un vaccin utilisant la technologie de l'ARN messager prend du temps, rappelle Stéphane Bancel. "L'ARN messager est une technologie nouvelle, donc les usines traditionnelles qui font des petites molécules chimiques ou qui font des vaccins à technologie plus ancienne ne sont pas du tout adaptées. Elles n'ont pas les machines ou les matières premières nécessaires pour faire ces nouvelles technologies de vaccins", explique-t-il.
"Il faut plusieurs mois pour fabriquer les machines"
Et construire des machines adaptées prend du temps "parce qu'on a un métier réglementé". Et d'illustrer : "Les machines que nous achetons pour fabriquer ce produit doivent être faites sur mesure pour le processus qui est nouveau. Ensuite, il faut plusieurs mois pour les fabriquer. Quand elles sont livrées, pour assurer la sécurité des produits, on doit faire des tests sur plusieurs mois, pour prouver que la machine fait exactement la fonction pour laquelle elle a été fabriquée et pour s'assurer que le vaccin a toutes les exigences réglementaires de sécurité et de qualité pour la protection des consommateurs."
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"Le temps nécessaire pour le processus de design, de fabrication, d'installation et de validation des machines qui prend 6 à 9 mois, et la fourniture de matières premières" prennent inévitablement du temps martèle-t-il. Aussi, il estime que la levée des brevets, réclamée notamment par Washington, ne permettrait pas d'accélérer la distribution de vaccins aux pays pauvres. "Cela n'ajouterai pas une dose de vaccin à ARN messager en 2021 et en 2022 pour aider la planète", assure le PDG de Moderna Therapeutics.