Alors que l'opinion publique s'interroge sur l'existence de la vie sur de lointaines exoplanètes ou sur des comètes, de nouvelles formes de vie pourraient-elles être détectées… sur Terre ? Des chercheurs, pour répondre à cette question, ont foré de plusieurs kilomètres de profondeur le plancher océanique au large du Japon. Leurs résultats, parus récemment dans la revue Science, démontrent qu'on trouve, dans ces espaces inexplorés, les mêmes molécules qu'à la surface, mais peinent à expliquer leur origine.
"Comme aller sur Pluton et y voir un Mac Do". Les scientifiques ont entrepris de forer des fonds marins, situés au large de la côte nord du Japon, jusqu'à 2.5 kilomètres de profondeur. Un environnement extrême où la lumière du Soleil ne parvient jamais et où la chaleur et la pression sont très élevées. De quoi donner naissance à des formes de vie particulières ? Pas du tout. Les chercheurs ont ainsi détecté des bactéries banales, très proches de celles vivant dans le sol de la Terre. Seule différence : leur nombre. Dans les profondeurs de la croûte océanique, on compte jusqu'à 10.000 de ces bactéries par centimètre carrés. À titre de comparaison, elles sont plusieurs milliards dans un centimètre carré de terre. "Il y a de la vie mais un tout petit peu", a résumé un des coauteurs de l'étude, Kai-Uwe Hinrichs, de l'université de Bremen, en Allemagne.
"C'est une étude précieuse", estime la microbiologiste Jennifer Biddle de l'université du Delaware aux Etats-Unis. "Vous attendez de cet environnement exotique des bactéries inhabituelles. La découverte qu'elles sont similaires à des micro-organismes familiers est déconcertante, c'est comme aller sur Pluton et y voir un Mac Do", a-t-elle ajouté.
Aucune lumière et du charbon comme seul repas. Dans cet environnement qui pourrait nous paraître hostile à la vie, ces bactéries trouvent de quoi vivre. La lithosphère océanique, soit les 10 km situés sous les océans, est le premier réservoir de charbon au monde. Ce dernier est ainsi devenu le mets de choix des micro organismes qui émettent en le consommant du méthane. De quoi faire dire aux auteurs de l'étude que ces bactéries jouent "un rôle écologique important dans le cycle du carbone".
Des bactéries vieilles de 23 millions d'années ? Les fonds marins forés dans le cadre de cette étude étaient, il y a 23 millions d'années, à l'air libre et ressemblaient à ce qu'on trouve actuellement en Floride. Ce milieu humide, composé de marais et de lagons, a été alors englouti lors des déplacements des continents.
À partir de ce constat, les chercheurs avancent deux hypothèses pour expliquer la présence actuelle de ces bactéries à 2.500 mètres de profondeur. Soit elles sont les descendantes des bactéries de l'époque et auraient muté pour s'adapter à leur nouvel environnement. Soit elles sont exactement les mêmes que celles qui vivaient alors dans les marais il y a 23 millions d'années. Ce dernier scénario signifierait que les bactéries mises à jour par l'étude seraient en quelque sorte des fossiles vivants.