Être nobélisé une fois est prestigieux. L'être deux fois relève de la légende. Seuls quatre scientifiques ont eu cet honneur depuis la création de ces célèbres prix en 1901. Alors que lundi s'est ouverte la semaine des Nobel 2017, Europe 1 revient sur les parcours de ces quatre hommes et femmes exceptionnels.
Double Cocorico avec Marie Curie. Marie Curie est à la fois la première mais aussi la seule femme à avoir reçu deux prix Nobel. Elle est aussi la seule lauréate à avoir reçu des distinctions dans deux disciplines scientifiques, la physique puis la chimie. Maria Sklodowska, née en Pologne en 1867 dans une famille modeste, rentre, après des études à la Sorbonne, à l'Ecole de physique et de chimie de Paris. Son premier Nobel, en 1903, elle le doit à la découverte de la radioactivité naturelle émise par le polonium (ainsi nommé en hommage à sa terre natale). En 1911, bis repetita. La Suède la récompense alors pour avoir isolé du radium et démontré qu'il s'agit bien d'un métal.
Des découvertes qu'elle met en application dès 1911 en travaillant à l'Institut du radium, consacré à la lutte contre le cancer par le biais de la radiothérapie. Pendant la Première guerre mondiale, elle participe à la création des "ambulances radiologiques" pour soigner les "poilus". Elle est aussi à l'origine de 150 postes de radiologie dans les hôpitaux militaires. Marie Curie, qui repose aujourd'hui au Panthéon, est finalement indirectement tuée par l'objet de ses recherches, à une époque où on ignorait la nocivité des radiations. En 1934, elle meurt en effet d'une leucémie à l'âge de 66 ans.
Linus Pauling, un cheminement de la guerre... vers la paix. Linus Pauling est connu dans le monde entier pour avoir popularisé la vitamine C. Mais c'est pour un thème plus pointu qu'il est couronné à Stockholm en 1954 : la nature de la liaison chimique qu'il étudie alors depuis les années 1930. En clair : la manière dont les atomes restent maintenus entre eux.
Le chimiste, également physicien, originaire de Californie, réitère l'exploit huit ans plus tard. Il est cette fois ci récompensé par le Nobel de la paix. Pourtant, durant la Seconde guerre mondiale, Linus Pauling avait fait profiter l'armée américaine de ses compétences scientifiques. Il avait mis au point des explosifs mais aussi des carburants pour missiles. Cependant, les bombardements d'Hiroshima et Nagasaki au Japon le marquent profondément.
Militantisme, pétition demandant l'arrêt des essais nucléaires… son combat, dans le contexte de la guerre froide, lui attire alors les foudres de l'administration américaine et une partie de la communauté scientifique l'accuse d'être un porte-parole de l'URSS. En 1952, son passeport lui est même retiré. La reconnaissance mondiale n'arrive qu'en 1962 quand Stockholm le récompense pour son combat en faveur de la paix. Deux ans après, le traité d'interdiction partielle des essais nucléaires signé par les Etats-Unis et l'URSS vient couronner ses efforts.
John Bardeen ou l'effet transistor. Princeton, Harvard… Dès ses études, John Bardeen, né en 1908 dans le Wisconsin aux Etats-Unis, a suivi une voie royale. Mais c'est seulement après la Seconde guerre mondiale que sa carrière décolle. L'objet de ses recherches ? Les semiconducteurs et l'effet transistor, que Bardeen invente avec deux collègues, William Shockley et Walter Brattain. Les trois physiciens sont récompensés par le Nobel en 1956 pour cette découverte majeure. Le transistor, qui permet d'amplifier ou d'interrompre des oscillations électriques, est en effet présent aujourd'hui dans la majorité de nos appareils.
En 1972, c'est pour la théorisation de la supraconductivité qu'il est encore couronné. Découverte en 1911 par deux Néerlandais, elle restait depuis un mystère. Avec l'aide de Leon Neil Cooper et John Robert Schrieffer, John Bardeen parvient à démontrer comment certains matériaux parviennent à transporter des courants électriques. Une théorie qui a permis d'accoucher d'innovations comme l'IRM ou encore les accélérateurs de particules.
Frederick Sanger, le père de l'ADN. Quand Frederick Sanger naît en Angleterre en 1918, l'ADN est alors une chose totalement inconnue. Quarante ans plus tard, le prix Nobel de la chimie est décerné à Sanger pour avoir démontré que les protéines, qu'on croyait à l'époque être une matière amorphe, étaient en fait composés de séquences d'acides aminés, autrement dit de la matière organique. Cette même idée de la séquence aide un autre scientifique, Francis Crick, a décrire la structure en double hélice de l'ADN, de quoi recevoir le Nobel de médecine en 1962.
Une nouvelle perspective s'ouvre alors à Frederick Sanger : le séquençage de l'ADN. En 1977, il y parvient sur un virus, une première mondiale. Mais c'est l'invention d'une méthode de séquençage moins laborieuse qui lui ouvre les portes du Nobel en 1980. Le "dideoxy", plus simplement appelé "méthode Sanger", est alors adopté dans le monde entier et permet le séquençage du premier génome humain, débuté en 1992 et achevé en 2001.
La Croix-Rouge et les Nations-Unies, plusieurs fois récompensées. D'autres noms apparaissent plusieurs fois dans le palmarès des Nobels mais il ne s'agit pas de personnes. Ainsi, le Comité international de la Croix-Rouge a reçu le prix Nobel de la paix en 1917, en 1944 et en 1963. Le Haut-Commissariat des Nations-Unies pour les réfugiés a reçu le même Nobel en 1954 puis en 1981.