Elle était entrée dans l'Histoire en 2011 comme la toute première station spatiale chinoise. Tiangong-1 pourrait cependant laisser un souvenir plus grave dans les mémoires. Hors de contrôle depuis l'automne 2016, le "Palais céleste" (en français) va en effet bientôt entrer dans l'atmosphère terrestre avant peut-être d'atteindre la surface de la Terre sous forme de fragments. Lundi, elle était encore à 205 kilomètres au-dessus de nos têtes mais selon les dernières estimations, elle pourrait frapper la Terre entre le 29 mars et 3 avril. La France fait partie de la zone susceptible de recevoir des débris. Doit-on cependant s'inquiéter de possibles dégâts ?
Oui car les risques existent, y compris pour la France
La fenêtre de la chute de Tiangong-1 a été définie : entre le 29 mars et le 3 avril, ont indiqué le Centre national d'études spatiales (Cnes) et l'Agence spatiale européenne, et plus probablement près du samedi 31 mars. Depuis vendredi en tout cas, du côté de Toulouse et du Cnes, les experts sont en alerte. Car, concernant le point de chute, l'inconnu demeure. En outre, si on est sûr que Tiangong-1 ne va pas arriver d'un bloc sur Terre, des bouts entiers, comme son réservoir, sont susceptibles de toucher la surface. Certains métaux, comme le titane ou l'acier inoxydable, présentent en effet des points de fusion élevés et ne fondent pas quand ils traversent l'atmosphère. Au final, des morceaux pesant 30 à 50 kilos pourraient se révéler être des projectiles très dangereux, car arrivant à vitesse de plusieurs centaines de km/h.
Si l'agence spatiale chinoise pouvait encore agir sur les moteurs de Tiangong-1, elle pourrait influencer en commandant ses systèmes de poussée sa destination finale : l'immense et peu peuplé océan Pacifique par exemple. Seulement voilà, et même si elle ne le reconnaîtra sans doute jamais officiellement, la Chine ne contrôle absolument plus sa station.
Les Français peuvent s'inquiéter car en partie, ils habitent la zone au-dessus de laquelle la station chinoise va se désintégrer. Perpignan, la Corse mais aussi plusieurs de territoires d'outre mer font partie en effet de la zone définie par les experts. Selon des calculs plus fins, la station folle a "une chance sur 40.000 de tomber en Corse, une chance sur 308.000 de tomber en Martinique, une chance sur 138.000 de tomber sur la Réunion", avance l'expert Stéphane Christy sur le site du Cnes.
En attendant, des antennes françaises scrutent le ciel pour savoir si le "Palais céleste" va approcher de l'Hexagone : les radars Satam (Système d’acquisition et de trajectographie des avions et des munitions), de Solenzara en Corse, de Captieux en Gironde et ceux de la Direction générale de l'Aviation. Les plus anxieux pourront aussi suivre ce week-end la trajectoire du "Palais céleste" sur le site satflare.com.
Non car les chances sont infimes pour que des débris touchent terre
Si Tiangong-1 suscite tant d'inquiétude, c'est que le mot "station" évoque dans l'imagerie des engins de taille impressionnante, comme la Station spatiale internationale. Cette dernière fait 110 mètres de long, 74 mètres de largeur et pèse 400 tonnes. Or, la station chinoise a des mensurations bien plus modestes. Pour faire simple, ce sont à peu près les mêmes que celles d'un autobus : 10 mètres de long sur 3 de large et un poids de 8,5 tonnes seulement.
Et cette masse va subir des dégâts très importants lors de sa descente. Quand elle va atteindre l'altitude de 80 kilomètres, elle va en effet commencer à se désintégrer au contact de l'atmosphère et perdre par exemple ses panneaux solaires. Fonçant à 7 km par seconde, Tiangong-1 va s'échauffer jusqu'à 1.400 degrés et fondre en très grande partie, explique à RTL Christophe Bonnal, expert des débris spatiaux au Cnes. Quelques minutes après, seuls 10 à 20% de sa masse, soit 800 kilogrammes, peuvent éventuellement atteindre la surface de la Terre.
Là encore, inutile de paniquer car la zone concernée est très vaste, s'étendant de Toronto au Canada au sud de l'Argentine. "L’inclinaison de l’orbite de la station chinoise est environ de 42,8 degrés", observe Stéphane Christy, l'expert du Cnes, "cela veut dire que si on projette cette orbite sur un planisphère, la zone terrestre sur laquelle va retomber l’objet est une bande comprise entre les latitudes –42,8° et +42,8°". Tiangong-1 pourrait donc se désintégrer au-dessus de pays aussi divers que le Maroc, l'Equateur, l'Italie ou encore l'Iran.
Cela dit, dans la zone concernée, il y a plus d'eau que de terre. Pour rappel, la Terre, qui n'est pas surnommée pour rien la "planète bleue", contient 1,386 milliard de km3 d'eau répartie sur 70% de sa surface. Ajoutez à cela les forêts et les déserts (10% de surface chacun) et il y au final peu de chances qu'un débris de Tiangong tombe sur votre maison ou votre immeuble.
Enfin, pour minimiser l'épisode Tiangong, sachez que, chaque semaine, un objet considéré de taille "importante" par les scientifiques tombe du ciel sans faire de victimes ni de dégâts matériels. L'ESA, elle, se veut rassurante : sur une année, le risque d'être touché par un débri spatial est 10 millions de fois plus faible que le risque d'être frappé par la foudre. Méfiez-vous donc plutôt du prochain orage.
Lottie Williams, seule victime d'un débris spatial. Elle peut se targuer d'être la seule victime d'un débris spatial de l'histoire. Le 22 janvier 1997, cette Américaine, alors qu'elle se promenait la nuit dans un parc de Tulsa, dans l'Oklahoma, a reçu sur elle un débris tombé du ciel. Ce morceau l'a blessé à l'épaule après qu'elle ait vu dans le ciel un trait lumineux. Ce qu'elle a cru être au début une canette de soda s'est révélé être très probablement.... un morceau de fusée Delta, lancée l'année précédente.
Pour voir à quoi pourrait ressembler la désintégration de Tiangong-1, regardez la vidéo de l'entrée dans l'atmosphère du vaisseau Jules Verne au-dessus du Pacifique en 2015 :