Qui n’a pas déjà vu son repas en plein air soudain perturbé par le vol menaçant d’une ou de plusieurs guêpes, venues tourner autour de votre brochette ou de votre verre de jus d’orange. Cet été, plus particulièrement, ces hyménoptères semblent en pleine recrudescence dans certaines régions. À défaut de l’avoir constaté directement, il suffit de parcourir la presse quotidienne régionale pour s’en convaincre, et de voir ainsi se dessiner une carte de ce retour en force de la guêpe, essentiellement cantonné au quart nord-est du pays.
"En dix ans de métier, on n’a jamais vu ça ! C’est l’année du siècle ! Un vrai fléau", assure ainsi auprès de La Voix du Nord le salarié d’une société de désinsectisation, débordée par les appels depuis le début de l’été. Dans la Marne, 200 cas de nids attendaient d’être traités fin juillet, rapporte l’Est éclair. Dans le Bas-Rhin, les pompiers reçoivent en moyenne 200 à 250 appel par jours, selon France bleu Alsace, et avaient à la mi-août déjà effectué près de 10.000 interventions contre 9.000 sur tout l’été 2017. "Les clients viennent mais ils repartent vite à cause des guêpes", rapporte de son côté une restauratrice de l’Yonne à France Bleu Auxerre.
Un développement accéléré par la chaleur
Comment expliquer un tel phénomène ? Les facteurs peuvent être nombreux, mais l'été particulièrement chaud, marqué par une série d’épisodes caniculaires, semble le premier responsable de cette hausse. "La chaleur accélère la croissance des insectes. Avec une température élevée, on assiste à un écourtement des différents cycles de développement de la guêpe", explique auprès d’Europe 1 Gérard Duvallet, professeur émérite et chercheur au Centre d’écologie fonctionnelle et évolutive. Plus il fera chaud, plus la guêpe passera donc rapidement du stade de larve à celui d’ouvrière.
Des hivers relativement doux dans certaines régions expliquent par ailleurs la multiplication du nombre de nids. "Ce sont des bêtes qui payent un lourd tribut à la période hivernale. À la fin de l’automne, les reines se cachent dans des troncs ou dans des maisons pour passer l’hiver. Plus il y a de reines qui ont survécu quand arrive le printemps, plus il y a de colonies potentielles", poursuit l’entomologiste.
Un phénomène avéré ou une simple impression ?
Néanmoins, aucun relevé comptable scientifiquement valable ne permet d’affirmer que ces différents facteurs ont bel et bien conduit à une hausse sensible du nombre de guêpes dans l'Hexagone à l’été 2018. Vice-président de l’Office pour les insectes et leur environnement, François Lasserre se veut particulièrement prudent. "Il n’y a pas de réseaux d’observateurs des guêpes à l’échelle nationale qui soit capable de mesurer une éventuelle augmentation", relève-t-il auprès d’Europe 1. Pour ce scientifique, une série de manifestations locales a pu bénéficier d’une couverture assez large en raison du manque d’actualité en période estivale, et ainsi nourrir une impression générale, et ce d’autant plus que les guêpes sont toujours plus visibles à la fin de l’été, sans qu’une augmentation de leur nombre en soit nécessairement la cause.
Ce phénomène s’explique par le cycle de développement du nid. Les ouvrières passent une grande partie de leur vie à nourrir les larves pondues par la reine avec de la viande : insectes attrapés au vol ou morceaux de charogne décortiqués à l’aide de leurs impressionnantes mandibules. L’été avançant, la reine pond de moins en moins, et les ouvrières consacrent ainsi de plus en plus de temps hors du nid, à quêter leur propre nourriture : essentiellement des liquides sucrés, raison pour laquelle on les voit, dès le mois d’août, lorgner nos apéritifs et tranches de melon. "Il y a 8.000 espèces de guêpes en France. Sur ce chiffre, seules vingt espèces font des nids et seulement deux viennent à votre table vous voler de la nourriture", en l’occurrence la "guêpe commune" et la "guêpe germanique", relativise encore François Lasserre.
Rien ne sert de paniquer
Il convient aussi de rappeler que dans ce genre de situation, le calme et la sérénité sont de mise. "La guêpe n’est pas vindicative, elle est juste très culottée. Elle cherche sa nourriture, et l’être humain n’en fait pas partie. Même si elle s’approche de très près, il suffit de rester zen quelques secondes avant de la voir repartir", assure-t-il. Sa mauvaise réputation est due à la douleur de sa piqûre - qui oblige à une prise en charge d’urgence en cas d’allergie -, mais qu’elle n’inflige que si elle se retrouve coincée ou si son nid est menacé. Par ailleurs, leur rôle est essentiel au sein de la biodiversité. "Comme les abeilles, ce sont des pollinisatrices", rappelle François Lasserre, également auteur d’Au secours une bestiole ! Manuel antistress face aux bêtes qui nous embêtent. "Elles servent aussi à nourrir d’autres animaux, tels que les oiseaux, et surtout, jouent un rôle dans la régulation des autres espèces dont elles se nourrissent", comme les moustiques qui eux, en veulent directement à votre sang...