Le 22 août 1944, les troupes hitlériennes vivaient leurs derniers jours dans la capitale française, après quatre années d'occupation. Les drapeaux tricolores commençaient à remplacer les croix gammées, 600 barricades s'érigeaient du Quartier Latin à Belleville… Les résistants luttaient, reprenant la préfecture de police, puis l'hôtel de Ville, le Sénat, la caserne de la place de la République. Jusqu'à faire rendre les armes aux Allemands, le 25. Soixante-quinze ans plus tard, Europe 1 a recueilli le témoignage exceptionnel d'une résistante, Jeannette Vandershooten, qui a vécu ces moments historiques.
"J'ai fait des distributions la nuit"
À bientôt 101 ans, Jeannette Vandershooten pose sur la table sa carte du parti communiste, une médaille de la Libération, et quelques photos. Sa mémoire est intacte et son regard ne vous quitte pas des yeux. Jeannette Vandershooten s'assoit et se souvient. En août 1944, cela fait déjà quatre ans qu'elle est entrée en résistance.
"Mon premier travail, ça a été d'imprimer, de taper et de distribuer. On a commencé à taper l'appel du général de Gaulle, l'appel du parti communiste. J'ai fait des distributions la nuit. Quand il y avait des flics qui passaient, des 'hirondelles', comme on les appelait, on faisait comme si on était des amoureux", se rappelle-t-elle. "On risquait la mort pour ça, mais ça ne nous faisait pas peur."
"On avait peur de circuler, ils tiraient des étages"
Le 22 août, Jeannette Vandershooten et ses camarades sont réfugiés dans le 9ème arrondissement, rue Saint-Georges, dans un hôtel près des barricades. "Le travail pendant la Libération, c'était la préparation sitôt le départ des Allemands. Dès le début, j'ai été responsable du service social", explique-t-elle. "Alors, on avait quelques camarades qui venaient nous dire où ça en était sur les barricades."
Les heures passent mais les Allemands n'abdiquent pas, les habitants longent les murs et Paris retient son souffle. "On avait peur de circuler, ils tiraient des étages", raconte la centenaire. "Ils ont résisté. On a eu peur longtemps, on a fait un travail de fourmi."
"On avait dit qu'on y arriverait, mais à quel prix ?"
Mais lorsque la libération de la ville est acquise et que le général de Gaulle défile sur les Champs-Élysées, le 26 août, Jeannette Vandershooten ne veut pas se mêler à la foule. Elle pense à ses camarades Pierre, Roger, Danielle, Jean, et à son amie Francine Fromond, fusillée huit jours plus tôt. "Ça me fait mal. On avait dit qu'on y arriverait, mais à quel prix ?"
Chérissant la phrase de Guy Môquet, "vous tous qui restez, soyez dignes de nous", Jeannette Vandershooten ira souffler sa 101ème bougie à la fête de l'Humanité, mi-septembre. Pour croire encore, sourit-elle, à des lendemains qui chantent.