L’armée française a eu connaissance de l’assassinat du juge Borrel. C’est en tout cas la révélation d'un militaire, démentie cependant par le ministre de la Défense, mais qui vient à nouveau relancer cette affaire qui a fait couler beaucoup d’encre. Magistrat détaché à Djibouti, Bernard Borrel a été retrouvé mort le 19 octobre 1995, le corps en partie carbonisé, en contrebas d'un ravin, à 80 km de Djibouti.
Des écoutes qui n'auraient pas dû être entendues
"Un jour, j'ai entendu dire au centre qu'un homme avait été immolé par le feu par des personnes du nord du territoire à l'aide de jerricanes d'essence. C'était un Français qui avait été brûlé non loin du Goubet. C'était dans la ville d'Arta", a déclaré à la juge un appelé en poste au sein d'une unité chargée des écoutes au sein de l'armée française à Djibouti à l'époque des faits.
"On n'était pas censé entendre les écoutes mais on vivait en permanence avec des militaires qui procédaient aux écoutes. C'était vers 11h-12h, je ne sais même pas si nous n'étions pas à table. L'information venait de sortir", a ajouté le témoin. "C'était une information provenant de la surveillance des communications internes de la police djiboutienne", a-t-il dit.
"Borrel ne s'est pas suicidé"
Selon ce militaire français qui témoigne, la Prévôté (détachement de la gendarmerie) après avoir eu l’information est alors "intervenue", précisant qu'il ne sait pas de quelle façon. "Aujourd'hui je peux donc affirmer que Bernard Borrel ne s'est pas suicidé. Il a été tué et des militaires étaient au courant", a-t-il enchaîné.
Après ce témoignage, la veuve du juge Borrel, Elisabeth, a donc de nouveau demandé que tous les documents classés secret défense relatifs à la mort de son mari soient déclassifiés. "Le chef de l'Etat m'avait assuré en 2007 que le secret-défense serait levé. Or rien n'a été fait. Il faut que tous les documents datés d'avril 1994 (date d'arrivée du juge à Djibouti, ndlr) à 1997 soient déclassifiés" a réaffirmé Elisabeth Borrel.
"L'armée ne savait pas", affirme Longuet
Pour l'ancien appelé, "il y a forcément une trace" de l'écoute de la police djiboutienne "sauf si elle a été délibérément supprimée", a-t-il dit. "L'armée ne savait pas. Si l'armée savait, elle a l'obligation, c'est dans le code pénal, article 40, de transmettre au magistrat toute information sur une affaire juridique", a lui a répondu jeudi Gérard Longuet. "La recherche de la vérité, c'est très bien, l'armée française, pour sa part, n'a rien à cacher", a répété le ministre de la Défense.
Ce rebondissement intervient alors que Nicolas Sarkozy devait s’entretenir mercredi dans l'après-midi avec le président de la République de Djibouti, Ismaël Omar Guelleh. Ce dernier est directement mis en cause dans cet assassinat ainsi que son entourage selon le témoignage d'un ex-membre de la garde présidentielle Mohamed Saleh Alhoumekani.
L'enquête française, menée à Paris par la juge Clément, privilégie désormais la thèse d'un assassinat après de nouvelles expertises, après avoir, dans un premier temps, privilégié la thèse du suicide. Parallèlement à l'investigation criminelle, deux autres enquêtes judiciaires ont été menées en France dont l'une pour pressions sur la justice.