Les transferts d'argent liquide qu'avaient effectué les Bettencourt dès octobre 2010 entre la Suisse et la France, étaient visiblement connus de la justice. Ces mouvements de fonds auraient été évoqués par René Merkt, l'avocat suisse de longue date des Bettencourt, lors d'une audition conduite par un juge suisse en présence du procureur Philippe Courroye et deux policiers parisiens, assure le magazine Le Point jeudi.
Dans ce procès-verbal, l'avocat René Merkt indique "qu'il est arrivé que Patrice de Maistre (l'homme de confiance de Liliane Bettencourt) lui demande de mettre à disposition de Mme Bettencourt des fonds à Paris", et que l'opération "était effectuée par des organismes professionnels de compensation", ce qui aurait permis de rendre l'opération plus discrète.
Un compte "Noblesse"
Si René Merkt affirme ne pas avoir "assisté personnellement à de telles remises de fonds, il dit "imaginer qu'elles ont été effectuées correctement". "Ce que je puis dire, c'est que M. de Maistre était très rigoureux, insistant pour que les fonds soient remis en main propre à Mme Bettencourt", a-t-il ajouté. Depuis, Patrice de Maistre a été mis en examen pour "abus de faiblesse" au préjudice de la milliardaire. Il est incarcéré depuis le 23 mars à la prison de Gradignan en Gironde.
L'avocat René Merkt précise ne pas avoir eu "d'explication sur la destination de tels virements de fonds. Les ordres m'étaient donnés de faire le nécessaire", pour Madame Bettencourt". L'argent proviendrait d'un compte "Noblesse" de la banque Hyposwiss, "ouvert il y a vingt ou trente ans", au nom d'une société écran panaméenne baptisée "Noblesse Investment".
400.000 euros le 5 février
Le procès verbal attesterait aussi que des "pièces bancaires" ont été saisies ainsi que des "relevés et ordres client". La trace de sept opérations relatives à la famille Bettencourt figurerait dans les archives de la société chargée des remises d'argent : la SA Cofinor. Deux mouvements de 400.000 euros auraient été enregistrés le 5 février et le 26 avril 2007, puis deux fois un million d'euros les 2 et 8 décembre 2008, enfin trois de 400.000 euros en novembre 2009.
Le système était "sophistiqué", selon le journaliste du PointHervé Gattegno, invité jeudi matin sur RMC. "En France, la somme est livrée chez les Bettencourt par des coursiers très spéciaux, à une heure précise, avec un mot de passe. Du coup, l'argent ne franchit pas la frontière, rien n'est détectable", a-t-il assuré.
Une proximité entre Sarkozy et Courroye
Ces nouvelles révélations sur la passivité présumée de la justice interviennent au moment où le juge bordelais, Jean-Michel Gentil, en charge du dossier, enquête sur des soupçons de financement illégal de Nicolas Sarkozy lors de sa campagne présidentielle en 2007, via de l'argent des Bettencourt.
"On peut se dire que l'attitude du procureur (Courroye), dont chacun sait qu'il est un très proche de l'Elysée, est peut-être le signe le plus éclatant que cette affaire met en jeu des intérêts très haut placés", a ajouté Hervé Gattegno. De son côté, l'Elysée réfute ces accusations que Nicolas Sarkozy a récemment qualifiées de "boule puante", en pleine campagne électorale.