L'ACTU. Son livre, Guide des 4.000médicaments utiles, inutiles ou dangereux, est déjà un carton en librairie. Et le Pr. Philippe Even devrait très vite refaire parler de lui, avec la publication d'un ouvrage, le 21 février, qui met le doigt ou sa fait mal : La vérité sur le cholestérol. Le titre, peu ambigu, est celui d'une thèse élaborée après relecture d'une cinquantaine d'études de référence sur la nocivité du cholestérol et d'essais cliniques sur les statines, ces traitements censés lutter contre l'abondance du lipide controversé. La conclusion du Pr. est simple : il n'y a pas de mauvais cholestérol, donc les traitements ne servent à rien. Quand on sait que les Français consomment 1,5 milliard d'euros de ces médicaments par an… nul doute que l'ouvrage va faire jaser.
>> Ecoutez le Pr. Even, au micro d'Europe 1
>>> Europe1.fr vous livre les clés pour comprendre la polémique à venir.
Depuis quand le cholestérol est-il jugé nocif ? Après la Seconde Guerre mondiale, notamment aux Etats-Unis, de nombreux hommes meurent mystérieusement de maladies cardiaques. Des chercheurs incriminent alors les graisses animales et le cholestérol, jugés à l'époque élevés chez les victimes. Au fil des ans, et surtout après 1980, les autorités sanitaires de divers pays, dont la France, arrivent à une conclusion : il y a un "bon" et un "mauvais" cholestérol.
Pourquoi le mauvais cholestérol serait-il mauvais ? Le "bon" sert à synthétiser les membranes des cellules et à fabriquer de la vitamine D. Mais le mauvais ne sert à rien, et peut, selon certaines thèses, s'accumuler dans les artères, et ainsi provoquer infarctus et AVC. Une thèse que défendent encore beaucoup de cardiologues aujourd'hui. "Si le cholestérol n'est pas le seul coupable, il a bien un lien de causalité direct avec l'athérosclérose (accumulation de lipides sur la paroi des artères)", défend ainsi Claude Le Feuvre, président de la Fédération française de cardiologie, dans une interview au Nouvel Obs.
>> En avril dernier, des chercheurs envisageaient même de montrer leurs artères aux patients pour les inciter à prendre leur traitement anti-cholestérol :
Que dit vraiment le Pr. Even, sur le lipide et son traitement ? "Depuis 40 ans qu'on dit que le cholestérol est mauvais, on aurait toutes les raisons de le croire. Pourtant c'est faux. Le cholestérol est une molécule essentielle pour le fonctionnement de tous nos organes : le cerveaux, les muscles, le cœur, le foie, les os, etc.", a détaillé le Professeur, jeudi matin, sur Europe 1. "Le cholestérol n'est pas responsable de maladies artérielles. Les faits scientifiques à cet égard sont très démonstratifs", a-t-il insisté.
Ce qui l'amène à s'inquiéter du grand nombre de traitements inutiles prescrits par les médecins. "A mon sens, 95 % des personnes qui se font prescrire un traitement contre le cholestérol ne devraient pas être suivies médicalement. C'est beaucoup plus grave que la viande de cheval. Les statines, prescrites pour diminuer le taux de cholestérol, ont des effets secondaires, et quelques fois il y a des accidents graves", assure Philippe Even. Il explique d'ailleurs que les études cliniques prouvent l'inutilité de ces molécules dans le traitement du cholestérol : "J'ai étudié les 46 essais cliniques sur 250.000 patients, ligne par ligne. Sur ces 46 essais, seuls trois montrent un effet bénéfique des statines. Et encore, l'effet bénéfique est ponctuel. Dès lors, on peut se poser de très sérieuses questions."
• La Haute autorité de santé sceptique. Pour Jean-Luc, Harousseau, président de la Haute autorité de santé, au contraire, l'utilisation des statines contre le cholestérol a un effet positif. Interrogé par Europe 1, il explique que "nous avons des données scientifiques : le traitement du cholestérol par les statines diminue la fréquence des accidents vasculaires de 15 à 25 %.". Selon lui, le livre du professeur Even entretient un climat de défiances des Français envers la médecine : "Je redoute les effets nocifs de ce nouveau livre sur la confiance que les patients doivent avoir dans leur système de santé et dans leur médecin."
Les statines sont-elles dangereuses ? Outre le fait que cela coûte cher au patient et à la Sécu, la consommation à outrance de ces médicaments peut-être nocive. Au printemps dernier, l'autorité de santé américaine a en effet alerté sur le risque de fortes douleurs musculaires, de diabète et même de perte de mémoire qu'elle entrainé.
La vérité entre les deux ? Le cholestérol est-il dangereux ? Faut-il le traiter ? Difficile de dire qui a raison entre les pros et anti-traitement. D'autant que la santé n'est pas le seul enjeu. Les statines représentent le plus gros marché du médicament, avec un chiffre d’affaires en 2011 de 25 milliards de dollars pour les groupes pharmaceutiques. Du coup, beaucoup de soupçons de conflits d'intérêt pèsent sur les défenseurs du traitement. Pour la Haute Autorité française de santé (HAS), il faut continuer de prescrire les statines, mais uniquement pour les personnes présentant des risques ou des antécédents cardiovasculaires. Dans ces cas là, l'autorité continue d'affirmer que les statines font sensiblement diminuer la mortalité et le risque d'AVC. En 2005, une étude de l'assurance-maladie affirmait la même chose. Le hic ? Elle précisait également que 60% des personnes consommant ces médicaments ne présentaient qu’un " risque cardio-vasculaire faible".