Comment perd-on la nationalité française ?

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Chloé Pilorget-Rezzouk , modifié à
Après la confirmation par le Conseil d’Etat, vendredi, de la déchéance de nationalité du terroriste Ahmed Sahnouni, Europe 1 analyse les raisons d’une procédure de déchéance. 

L’info. Le Conseil constitutionnel a validé, vendredi, la déchéance de la nationalité française d’Ahmed Sahnouni. Ce Franco-marocain, condamné pour terrorisme en 2013, avait été déchu de celle-ci par un décret cosigné, en mai dernier, par Manuel Valls et Bernard Cazeneuve. L’occasion de faire le point sur les motifs et la procédure, très stricte, d’une déchéance.

• Qui peut être déchu de sa nationalité ?

Seules les personnes ayant acquis la nationalité française au cours de leur vie, et naturalisés il y a moins de dix ans, peuvent en être déchues. Un Français de naissance ne peut l’être. Car, en respect de l’article 15 de la Déclaration universelle des droits de l’homme, la déchéance de nationalité n’intervient qu’à la condition de ne pas rendre l’individu apatride : « Tout individu a droit à une nationalité. Nul ne peut être arbitrairement privé de sa nationalité, ni du droit de changer de nationalité. » Seul un individu doté d’une double nationalité peut donc être déchu de l’une. C’est le cas d’Ahmed Sahnouni, puisque cet homme condamné pour terrorisme en mars 2013 était franco-marocain, après avoir été naturalisé français le 26 février 2003.

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• Pour quels motifs peut-on être destitué de sa nationalité ?

Il existe quatre raisons pour lesquelles on peut perdre sa nationalité. Celles-ci sont strictement définies par l’article 25 du code civil :

- S'il est condamné pour un acte qualifié de crime ou délit constituant une atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation ou pour un crime ou un délit constituant un acte de terrorisme

- S'il est condamné pour un acte qualifié de crime ou délit prévu et réprimé par le chapitre II du titre III du livre IV du code pénal

- S'il est condamné pour s'être soustrait aux obligations résultant pour lui du code du service national

- S'il s'est livré au profit d'un Etat étranger à des actes incompatibles avec la qualité de Français et préjudiciables aux intérêts de la France

Le cinquième motif a été abrogé en 1998, par Elisabeth Guigou, alors garde des Sceaux :

- S'il a été condamné en France ou à l'étranger pour un acte qualifié de crime par la loi française et ayant entraîné une condamnation à une peine d'au moins cinq années d'emprisonnement

Qui plus est, ces faits doivent avoir été commis avant l’obtention de la nationalité française ou dans un délai maximal de 10 ans à compter de cette date, et jusqu’à 15 ans si les faits concernent la première raison énoncée. La déchéance, elle, ne peut être prononcée que dans un délai de 10 ans, qui peut s’allonger jusqu’à 15 ans dans le cas de faits particulièrement graves, comme ceux de terrorisme (n°1 article 25).

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• Quelle est la procédure ?

La déchéance de nationalité demeure une procédure extrêmement rare car restrictive. Il ne faut pas la confondre avec la perte ou le retrait de nationalité. La déchéance, elle, est actée par un décret du gouvernement qui doit être confirmé en dernière instance par le Conseil d’Etat.

Enfin, et c’est un peu plus fréquent, il est possible d’être déchu de sa nationalité par retrait du décret de naturalisation lorsqu’il est établi celle-ci a été obtenu par fraude ou par mensonge. Mais il faut, là aussi, l’approbation du Conseil d’Etat.

• Combien de déchéances ont déjà été prononcées ?

D'après les chiffres du ministère de l'Intérieur, fournis à Libération, une vingtaine d'individus se sont vu retirer leur nationalité française depuis les années 70, dont 8 entre 2000 et 2014 qui ont «toutes ont été prononcées à la suite d’une condamnation pour un crime ou un délit constituant un acte de terrorisme».