COMBAT. Le premier spectacle de la tournée du polémiste Dieudonné a été interdit jeudi à Nantes au terme d'un bras de fer juridique sans précédent. C'est le Conseil d’État, plus haute juridiction administrative française, qui a finalement tranché dans ce dossier, donnant ainsi raison au gouvernement dans son "combat".
• Comment le spectacle de Nantes a-t-il été interdit ?
- Au départ, une circulaire ministérielle: A la base du processus d'interdiction, une circulaire du ministère de l'Intérieur transmise lundi aux préfets. Ce texte voulu par le ministre Manuel Valls, préconise l'interdiction au cas par cas du spectacle de Dieudonné, "Le Mur". Cette circulaire a également pour vocation de donner les outils juridiques en permettant l'application. Ainsi, selon la circulaire, le risque de "trouble à l'ordre publique" et "l'atteinte au respect de la dignité humaine", constituent des motifs d'interdiction.
- Puis un arrêté, contesté en référé : Le point de départ de la tournée du spectacle de Dieudonné à Nantes constituait également, de fait, le premier test pour la circulaire. Mardi, le préfet de Loire-Atlantique suivait les préconisations du ministère en signant l'arrêté d'interdiction du spectacle de Dieudonné prévu jeudi soir au Zénith de Nantes. Dans la foulée de cette interdiction l'avocat de Dieudonné déposait un recours en référé, une procédure d'urgence, devant le tribunal administratif de Nantes, visant à faire suspendre l'interdiction.
- Enfin, le Conseil d’État valide l'interdiction. Après examen de ce référé jeudi dans la matinée, le tribunal administratif a décidé de suspendre l'arrêté préfectoral et ainsi d'autorisé le spectacle de l'humoriste. La juridiction a motivé sa décision en précisant que le spectacle "ne peut être regardé comme ayant pour objet essentiel de porter atteinte à la dignité humaine". Par ailleurs, le tribunal notait dans son communiqué que "le risque de troubles publics causés par cette manifestation (…) ne pouvait fonder une mesure aussi radicale que l'interdiction de ce spectacle". Quatre heures plus tard, le Conseil d’État, saisi par Manuel Valls, annulait cette décision du tribunal. Dans son arrêté, la plus haute juridiction va à l'encontre de la décision du tribunal de Nantes, en assurant que "la réalité et la gravité des risques de trouble à l'ordre public" étaient "établis". Le spectacle de Dieudonné à Nantes est ainsi, de fait, interdit.
• Pourquoi la décision du Conseil de l'Etat fait jurisprudence ? Avant Nantes, ces dernières années, les tribunaux administratifs avaient déjà invalidé des arrêtés d'interdiction de spectacles de Dieudonné à une quinzaine de reprises. Et ce, malgré les multiples condamnations de Dieudonné pour incitations à la haine raciale ou propos antisémites. L'annulation de la décision du tribunal administratif de Nantes, validant de fait la circulaire "Valls", constitue donc une première et un surtout un précédent qui s'appliquera dans toute procédure se basant sur le texte du ministère. Dès vendredi, cette jurisprudence s'appliquait pour le spectacle de Dieudonné à Tours.
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• Les prochaines étapes de la tournée. Dieudonné doit désormais jouer à Orléans samedi à 100 km de Tours. Là aussi, le maire, rassuré par la décision du Conseil d'Etat, a publié dès jeudi soir son arrêté d'interdiction. Les maires de Bordeaux, Marseille, Metz ou Avignon, ont quant eux déjà fait savoir qu'ils ne voulaient pas du spectacle du polémiste, mais aucune disposition officielle n'a pour l'heure été prise. Une question de prudence, expliquent-ils, au cas où Dieudonné trouverait une parade aux interdictions.
• Changer le spectacle pour contourner l'interdiction ? Jeudi soir, l'avocat de Dieudonné évoquait au micro d'Europe 1 une première possibilité permettant de contourner "l'oukase". Celle de changer le nom du spectacle et son contenu. "Le préfet de Loire-Atlantique a pris une décision qui consiste à interdire le spectacle "Le Mur" mais non pas à interdire l'artiste Dieudonné", soulignait Maître Verdier, au micro d'Europe 1. En conséquence, l'artiste pourrait jouer d'autres sketches. "Il a parfaitement en mémoire un certain nombre d'éléments d'autres spectacles. Il doit pouvoir jouer cela", a fait valoir Me Verdier. "Je vais demander au préfet d'être légaliste, de respecter la parole et les écrits qu'il a lui-même écrits dans le cadre de son arrêté", avait poursuivi l'avocat de Dieudonné avant que l'artiste ne demande finalement à ses fans de rentrer chez eux, sans se produire.
>> Les interdictions, les autorisations ou les indécisions, par ordre chronologique :