Roanne, dans la Loire, un peu moins de 40.000 habitants et dans ses rues plus de 150 migrants, sans papiers et sans horizon. Par eux, un couple kosovar vit avec ses enfants chez une militante locale. Alors que leur demande d’asile a été refusée, et parce qu’on ne leur a pas notifié une Obligation de Quitter le Territoire Français (OQTF), ils sont restés.
Ils ne sont que 5% à repartir. Selon un rapport rendu jeudi à Manuel Valls par les députés Valérie Létard (UMP) et Jean-Louis Touraine (PS), ils sont nombreux dans cette situation. “Le constat fait sur le terrain est qu’une grande majorité des étrangers en situation irrégulière issus de la procédure d’asile continuent à se maintenir sur le territoire’, note-t-il.
Sur les 7.000 migrants déboutés de leur demande d’asile en 2012, ils ne sont d’ailleurs que 426 à avoir accepté le dispositif de retour volontaire dans leur pays. Les autres sont censés quitter le territoire, mais beaucoup retournent en réalité à la rue.
Arrivés en 2010... Le couple kosovar est arrivé il y a plus trois ans à Roanne. A l’époque, il n’ont pas encore d’enfants. Lors de l’hiver 2010, particulièrement rude, ils sont accueillis dans le cadre de l’hébergement d’urgence. Cette année-là, de nombreux migrants arrivent comme eux dans la sous-préfecture de la Loire.
A cette période, ils commencent les procédures de demande d’asile grâce au centre d’accueil de la ville et des associations. “C’est à ce moment là qu’on a commencé à se lier d’amitié”, confie Marie-Claude, une militante locale d’Emmaüs.
… Déboutés après trois ans. Finalement, comme pour beaucoup, la demande du couple est rejetée. En 2012, sur l’ensemble des requêtes, un peu plus d’une demande sur cinq a été accepté. Après presque trois années de procédures, le couple de Roanne, qui désormais a un enfant et en attend un autre, doit quitter son hébergement.
Le 18 août 2013, la famille est renvoyée à la rue. Son salut, elle le doit finalement à Marie-Claude. “Une semaine avant, le gynécologue avait dit à la mère qu’il fallait qu’elle se repose, détaille la militante. Pour moi, ça a été le déclencheur”. Depuis ce jour, elle les accueille chez elle.
Ce geste, elle n’aurait jamais envisagé le faire avant. “C’est sûr que c’est à l’Etat de loger une famille comme ça, mais je me suis dit qu’en tant que citoyenne, je ne pouvais pas laisser un enfant à la rue”, conclut-elle. Finalement, début début septembre, la famille s’est à nouveau agrandie avec l’arrivée d’un deuxième enfant.
Un cas parmi tant d’autres. Les migrants n’ont néanmoins pas la chance d’être reçus chez des militants dévoués. Selon le rapport rendu jeudi, parmi les déboutés qui restent en France, 52% sont reçus grâce au 115, le service d’hébergement d’urgence.
Le dispositif étant déjà à la limite de ces capacités, une partie des demandeurs déboutés restent dans les Centres d’Accueil des Demandeurs d’Asile alors qu’ils devraient en sortir. Au troisième trimestre 2013, 34% des personnes en CADA étaient ainsi des demandeurs déboutés.
Des solutions limitées. Cette situation vient s’ajouter à la problématique générale du droit d’asile en France. Entre 2007 et 2012, le nombre de demandeurs a augmenté de 70%, et il devrait atteindre 68.000 en 2013. Engorgement des places d’accueil, temps de gestion des dossiers à rallonge, budget de l’aide aux demandeurs qui explose, le système français en est arrivé à un seuil critique.
Manuel Valls prévoit de réformer le droit d’asile en 2014 pour assainir la situation. Le ministre de l’Intérieur pense notamment à créer des quotas régionaux de demandeurs d’asile afin de mieux les répartir sur le territoire. D’ici là, seules 4.000 nouvelles places en CADA seront mises en place.
Eric Ciotti, député UMP des Bouches-du-Rhône, a également rendu récemment un rapport sur le sujet. Pour lui, la solution doit être radicale. Il propose que chaque décision de déboutement ait valeur d’Obligation de Quitter le Territoire Français et aboutisse sans délai à une expulsion.
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