Le Conseil constitutionnel a censuré vendredi la loi qui réprimait le harcèlement sexuel en France. Les Sages ont estimé que ce texte était contraire à la Constitution car il violait le principe de légalité des délits et des peines. Ils avaient été saisis via deux questions prioritaires de constitutionnalité d'un maire adjoint du Rhône et de l'Association européenne contre les violences faites aux femmes. Quel effet cette décision va-t-il avoir sur les poursuites judiciaires en cours ? La réponse avec Europe1.fr.
Qu'est-il dit dans la loi sur le harcèlement sexuel ? Le délit de harcèlement sexuel avait été introduit dans le code pénal français en 1992 et défini alors par "le fait de harceler autrui en usant d'ordres, de menaces ou de contraintes, dans le but d'obtenir des faveurs de nature sexuelle, par une personne abusant de l'autorité que lui confèrent ses fonctions".
Une autre loi du 17 juillet 1998 avait ajouté les "pressions graves" à la liste des actes caractérisant le harcèlement. Mais en 2002, la loi du 17 janvier est venue modifier cette construction juridique. Elle a élargit le champ d'application de la loi en supprimant toutes les précisions concernant les actes par lesquels le harcèlement était constitué.
Qu'est-il reproché à cette loi ? Le Conseil constitutionnel a sanctionné la dernière définition du harcèlement sexuel, établie dans la loi du 17 janvier 2002, et ainsi libellée : "le fait de harceler autrui dans le but d'obtenir des faveurs de nature sexuelle est puni d'un an d'emprisonnement et de 15.000 euros d'amende".
Les Sages ont jugé le libellé trop vague. Ils ont estimé que la définition du harcèlement sexuel manquait "de termes suffisamment clairs et précis" et que les dispositions de l'article incriminé méconnaissaient "le principe de légalité des délits et des peines".
Que va-t-il se passer concrètement ? La décision des Sages est immédiate, au nom du principe de non rétroactivité de la loi pénale, ce qui crée un vide juridique. Aucune nouvelle poursuite pour harcèlement sexuel n'est donc possible. Les dossiers qui en sont encore au stade de la plainte devront être requalifiés, soit en violence volontaire, qui comprend les violences morales, soit en tentative d'agression sexuelle.
Pire encore : toutes les poursuites en cours, pas encore jugées définitivement, sont également suspendues. Les services du ministère de la Justice examinaient la décision vendredi pour envoyer une circulaire à tous les parquets, afin de leur expliquer la marche à suivre.
Il revient maintenant au législateur d'adopter une nouvelle loi sur le harcèlement sexuel. Mais étant donné que la loi pénale n'est pas rétroactive, elle ne pourra pas s'appliquer aux affaires qui étaient en cours.
Quand une nouvelle loi pourra-t-elle être votée ? Une nouvelle loi sur le harcèlement sexuel ne pourra pas être adoptée avant plusieurs mois. La raison ? Il revient aux députés d'établir cette législation, mais compte tenu des élections législatives en juin, le dossier risque de ne pas être traité rapidement.
Pour combler le vide juridique, la nouvelle majorité qui sortira des urnes devra donc mettre à l'ordre du jour prioritairement le vote d'une nouvelle loi sur le harcèlement sexuel.
Qu'en disent les politiques ? A gauche comme à droite, des voix se sont élevées pour réclamer que la prochaine Assemblée, élue en juin, se saisisse en urgence du dossier. Roselyne Bachelot, ministre des Solidarité, "invite la nouvelle Assemblée nationale qui sortira des urnes au mois de juin prochain à se saisir en urgence de ce dossier afin de garantir les droits des salariés et, plus particulièrement, ceux des femmes".
François Hollande a de son côté affirmé que s'il est élu, il s'engage "à ce qu'une nouvelle loi sur le harcèlement sexuel soit rédigée et inscrite le plus rapidement possible à l'agende parlementaire".