C'est une affaire douloureuse qui se tient actuellement au CHU de Poitiers. Un combat mené par des parents contre des médecins qu'ils accusent "d'acharnement thérapeutique" sur leur bébé. Pour ses parents, Titouan, né grand prématuré et victime d'une hémorragie cérébrale, ne doit plus vivre. Le couple réclame de mettre fin aux soins prodigués à leur bébé. Contre l'avis de l'équipe médicale qui demande du temps et du calme pour évaluer les séquelles plus ou moins lourdes que devra porter leur enfant.
Qui, de ses parents ou des médecins peut décider d'arrêter les soins qui le maintiennent en vie ? Les équipes médicales sont-elles en mesure aujourd'hui d'évaluer le degré de handicap de l'enfant ? Europe 1 s'est intéressé au protocole médical des grands prématurés, où le temps des parents ne sera jamais le même que celui des médecins. Chaque année, 13.000 grands prématurés (nés à moins de 32 semaines de grossesse) naissent en France.
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Le temps nécessaire de l'évaluation. "On ne nous demande pas notre position. Nous parents, nous ne souhaitons pas une vie de handicaps pour notre fils. Les médecins nous assurent d’une qualité de vie pour notre fils mais visiblement, ils ne savent pas de quoi ils parlent et manquent de recul face à la très grande prématurité", déplorent les parents de Titouan dans La Nouvelle République. L'équipe de néonatalogie du CHU de Poitiers est-elle en mesure aujourd'hui d'évaluer le degré de handicap du bébé et les séquelles qu'il gardera de son hémorragie ? La réponse est clairement non. "Chez les enfants très prématurés, il faut un mois pour avoir une idée précise des possibilités d'évolution", assure le docteur Jean-François Magny, chef de service de pédiatrie et réanimation néonatales à l'Hôpital Necker à Paris, contacté par Europe 1.
"Il faut être sûr qu'un enfant est séquellaire et pouvoir appréhender le type de séquelles pour ensuite pouvoir informer les parents et qu'ils prennent leur décisions en ayant le meilleur éclairage (...), on ne peut pas le faire de façon précipitée", plaide le professeur Fabrice Pierre, chef du pôle mère-enfant au CHU de Poitiers. Les spécialistes de néonatalogie insistent aussi sur la complexité, pour les grands prématurés, de prédire les séquelles, pas nécessairement liées aux lésions cérébrales, et ce plus les enfants, donc leurs cerveaux, sont petits, avec des évolutions rapides dans un sens ou l'autre.
A chacun sa place. "Quand les parents demandent un arrêt des soins sans que les médecins aient les éléments attestant que cet enfant va développer un handicap sévère, l'équipe médicale se doit d'être le défenseur de l'enfant. Les parents n'ont ni les compétences ni les connaissances pour faire un diagnostic et établir un pronostic", souligne Jean-François Magny.
"Une décision collégiale". La loi Leonetti sur la fin de vie permet un arrêt des traitements dans les situations d'"obstination déraisonnable". S'il y a une unanimité pour considérer que l'enfant a des lésions sévères, une décision médicale de limitations de soins est alors prise et annoncée aux parents. Mais Jean-François Magny insiste : contrairement à une idée reçue, jamais un médecin seul ne peut prendre une telle décision. Celle-ci est toujours prise de manière collégiale. "On consulte alors l'ensemble de l'équipe médicale du service de néonatalogie concerné auquel on adjoint l'avis d'un médecin extérieur", détaille le spécialiste.
Décision finale au corps médical. En cas de désaccord entre les parents et l'équipe médicale, que se passe t-il ? Ce sont les médecins qui décident en dernier ressort des choix thérapeutiques. La meilleure façon de protéger les parents, estime l'association SOS Préma qui milite pour une meilleure prise en charge de la prématurité. "Donner la surpuissance aux parents de brancher ou débrancher leur enfant est dévastateur. C'est arrivé avant la loi Leonetti de 2005", rappelle Charlotte Bouvard, fondatrice de l'association, contactée par Europe 1.
Laisser du temps aux parents. Les cas litigieux seraient en réalité extrêmement rares. Car tout est fait pour associer les parents. "Quand on prend une décision de limitation de soins et que les parents nous disent, 'il faut continuer, il n'est pas question que mon enfant meure', on leur laisse le temps d'accepter ce qui est pour eux inacceptable", confie le docteur Magny. "Tant que les parents ne nous disent pas 'on a compris, il vaut mieux arrêter les soins', on les poursuit", ajoute le médecin. Le temps pour les parents de faire leur deuil.