Gemma, 92 ans, a décidé de partir en Suisse pour avoir recours au suicide assisté, si son état de santé se dégrade. Alors que la loi sur la fin de vie est examinée à partir de mardi par les députés, Europe 1 a recueilli son témoignage.
"Pourquoi causer la culpabilité" aux jeunes ? Ce n'est pas la souffrance qui inquiète la nonagénaire, mais la dépendance. "Je trouve que j'ai donné une vie qui m'a satisfaite. Mais j'ai une multi-pathologies assez grave, qui peut s'aggraver d'un moment à l'autre et entraîner un manque d'autonomie complet. Indépendamment des questions de souffrance, je deviendrai totalement dépendante. Si je ne peux plus me déplacer ou si je perds les faculté cognitives, ça ne me sera pas supportable", raconte cette mère de deux enfants, grand mère de trois petits enfants. Gemma l'assure : son choix est autant pour elle que pour ses proches.
"Je trouve que les jeunes n'ont pas besoin et n'ont plus la mentalité d'autrefois. Les jeunes générations se sentaient responsables de leur vieux. Ce n'est plus comme ça. C'est triste mais c'est un fait, alors pourquoi leur causer la culpabilité de ne pas faire ce que l'on voudrait qu'il fasse", justifie-t-elle.
La mort pour ceux qui peuvent payer. Gemma aurait préféré pouvoir mettre fin à sa vie en France. Mais c'est la Suisse qu'elle a choisi, l'un des pays qui autorise le suicide assisté en Europe, avec la Belgique et les Pays-Bas. Le procédé y est encadré, et elle ne pourra mourir que si elle n'a pas le choix. Ce qu'elle devra prouver. "On m'a donné un dossier à remplir. On m'a demandé des preuves, des certificats médicaux prouvant dans quel état j'étais. Il y a toute une démarche à faire. Le jour où je déciderai de le faire, il y aura encore des examens médicaux à faire", détaille-t-elle.
Cet encadrement a un coût : 10.000 euros, frais de dossier et de crémation compris. Gemma peut se le permettre. Mais elle a conscience de l'injustice qui existe face à la mort. "Les gens qui ont de l'argent peuvent se payer un suicide assisté et les autres sont obligés de faire des trucs très pénibles, comme se jeter sur les rames du métro ou se pendre. Ça ne me paraît pas juste", regrette la nonagénaire.
La proposition de loi est "hypocrite". La proposition de loi qui sera débattue mardi à l'Assemblée, cosignée par un député PS, Alain Claeys, et un député UMP, Jean Leonetti,veut aller plus loin que la loi de 2005. Elle préconise d'abord, une "sédation profonde et continue" jusqu'au décès pour des patients en phase terminale qui en feraient la demande. L'autre grand changement concerne les directives anticipées, sorte de "testament" médical qui permet à chacun d'exprimer à l'avance son opposition à tout acharnement thérapeutique. Actuellement, ce sont les médecins qui ont le dernier mot.
Mais pour Gemma, cette proposition de loi ne va pas assez loin. "C'est très insuffisant et un peu hypocrite. À partir du moment où l'on ne veut plus vivre, ce n'est pas la peine de vivre X temps". Ne plus vouloir vivre, plutôt que de vouloir mourir. C'est ce qui semble pousser Gemma, qui ne parvient pas à dire si elle aime encore la vie aujourd'hui. "Tout ce qui me faisait plaisir, je ne l'ai plus : marcher, randonner, faire du ski, aller au cinéma, au théâtre... Je préférerai partir sur un bon souvenir de la vie".
>> L'intégralité de l'interview à retrouver ici :
Gemma : "Un suicide assisté coûte 10...par Europe1fr