"Quand les choses ont commencé à bouger, on s’est dit qu’il fallait alerter l’opinion publique". Ben* est l’un des fondateurs de "Bouge-toi Mayotte", un collectif "pour faire bouger les choses, concrétiser les bonnes idées des Mahorais". Quand les jours de grèves ont commencé à se suivre, quand les nuits de violences se sont répétées, le collectif a lancé un hashtag #SaveMayotte sur les réseaux sociaux pour alerter les médias et l’opinion publique. Et ça a marché.
- "Le soir, ce n’est plus sûr de sortir à Mayotte"
Depuis quinze jours maintenant, l’île est paralysée par un mouvement social de grande ampleur. Les Mahorais réclament "l'égalité réelle" avec la métropole notamment l'alignement des prestations sociales et l'application du Code du travail national. Mais ce que veulent surtout les habitants de cette île située à l'Est de Madagascar, dans l’Océan Indien, ce sont des moyens pour lutter contre l'insécurité.
"Ici l’insécurité et la délinquance sont très fortes", poursuit Ben. "Le soir, ce n’est plus sûr de sortir à Mayotte. On a demandé à être classé en zone de sécurité prioritaire mais ça n’a pas été fait", regrette-t-il, dénonçant "un vrai manque de moyens".
- Les habitants jouent les médiateurs
Ces deux dernières semaines, les violences se sont multipliées. Deux bandes rivales se sont notamment affrontées, plusieurs nuits d’affilée. Au départ, une stupide histoire de racket entre les jeunes de la localité de Doujani et celle, voisine, de Cavani. "Le jeune racketté est allé porter plainte mais avec la grève, la police n’a pas pu faire son travail, alors un groupe de jeunes s’est constitué et a décidé de faire justice lui-même", raconte Attoumane Chamouine, un habitant de Doujani, joint par Europe 1.
Lassé et inquiet de voir les jeunes s’affronter, l’homme a décidé de mettre en place une médiation, avec l’aide du proviseur du lycée où sont scolarisés l’ensemble des enfants de la zone. Pour cela, ils ont contacté directement les parents des jeunes des deux bandes rivales. "Nous avons réussi à rétablir le calme, mais la situation est très fragile", prévient-il. De son côté, la préfecture a renforcé mardi soir le dispositif de sécurité dans certains quartiers de Mamoudzou, ce qui a permis selon elle de contenir les violences, même si des véhicules ont encore été dégradés.
Mais la situation reste très précaire. Les habitants craignent de nouveaux débordements. "Il faut une réponse du gouvernement. Il faut que la jeunesse soit prise en compte", réclame Ben, du collectif "Bouge-toi Mayotte".
- "Là, ça pourrait vraiment dégénérer"
Vendredi, les syndicats mahorais rencontrent à Paris les directeurs de cabinet des ministères concernés. La ministre des Outre-mer George Pau-Langevin dit comprendre l'impatience des Mahorais, "mais c'est souvent un défi de trouver des réponses adaptées et conformes au droit", car "on ne peut pas mettre que des réponses d'exception".
Le préfet de Mayotte a, lui, affirmé à la presse jeudi sa volonté de faire lever les barrages tenus par les syndicalistes. "Si ça continue, il va y avoir des problèmes d’approvisionnement des magasins et des stations-services", s’inquiète Ben. "Et là, ça pourrait vraiment dégénérer".
*Le prénom a été modifié sur demande du membre du collectif Mayotte Bouge toi