"C'étaient devenus des amis très chers" : interrogée mercredi sur les morts suspectes de deux retraités, qu'elle est accusée d'avoir empoisonnés, la "Veuve noire" de la Côte d'Azur, Patricia Dagorn, a livré au troisième jour de son procès un flot de dénégations alambiquées, parfois contradictoires.
"Je n'ai pas porté atteinte à la vie de M. Filippone". "Je le dis haut et fort, je n'ai pas porté atteinte à la vie de M. Filippone", a-t-elle affirmé, à propos de cet ancien maçon d'origine italienne, retrouvé mort dans sa baignoire en février 2011 à Mouans-Sartoux, et chez qui elle assure avoir passé seulement "deux nuits et une journée". Francesco Filippone, alerte octogénaire toujours soigné, avait intrigué son entourage en donnant brusquement l'impression de se négliger après avoir rencontré Patricia Dagorn par le biais d'une agence matrimoniale. Selon l'accusation, il était sous l'emprise de médicaments.
"Il ne se soignait pas autant qu'on l'a dit", conteste l'accusée de 57 ans, tout en racontant qu'il l'avait un jour "entraînée dans un magasin acheter des savonnettes". "Il voulait prendre un bain", assure-t-elle, comme en écho au témoignage des auxiliaires de vie du défunt. Ces dernières n'ont jamais cessé de douter de la mort naturelle de Francesco Filippone, s'étonnant notamment qu'il ait pu mourir dans son bain alors qu'il n'en prenait jamais.
Réputé radin, Francesco Filippone, 85 ans, n'avait pas hésité à sortir le carnet de chèque pour Patricia Dagorn et l'aider à reprendre la gérance d'une bijouterie à Monaco, allant jusqu'à signer un faux chèque de 750.000 euros pour permettre à sa jeune partenaire d'impressionner la propriétaire au moyen d'un bordereau d'encaissement post-daté, retrouvé ensuite dans les valises de l'accusée. "J'aimais cette bijouterie, et M. Filippone en était tombé amoureux", affirme Patricia Dagorn, imperturbable : "Jamais il ne m'a fait de retrait d'espèces pour moi-même. La seule chose qu'il m'a achetée, c'est un iPhone 6".
"Réponse à tout". La cour s'est aussi penchée sur le cas de Michel Knefel, un SDF retrouvé mort en juillet 2011, dans un hôtel meublé de Nice. Patricia Dagorn avait quitté sa chambre peu de temps auparavant, avec la clé, alors que Michel Knefel titubait à son arrivée. Devant la cour, elle assure qu'elle avait alors obéi à ses injonctions : "Michel était très 'addict', il absorbait des médicaments en solitaire, il m'a dit 'tu sors de la chambre, tu vas te promener' et j'ai obéi". "C'était quelqu'un de robuste et ce jour-là je me suis dit que je le retrouverais vivant", ajoute-t-elle.
Pourquoi lui avoir acheté du whisky ? "Je ne voulais pas l'énerver". Pourquoi ne pas avoir prévenu sa fille de son décès ? "J'étais en garde à vue, (...) je n'avais plus que quatre unités dans mon téléphone". Et pourquoi a-t-on retrouvé de l'acétone, une cordelette et du ruban adhésif dans la chambre ? "J'avais un instinct de faire un cadeau à mes enfants (...), l'acétone était destiné à enlever les étiquettes des paquets cadeaux".
Interrogée sur les traces de Valium retrouvées dans le sang de la victime, Patricia Dagorn ne cille toujours pas : "Michel achetait des médicaments à la sauvette", explique-t-elle, en contradiction avec de précédentes déclarations faites aux enquêteurs. "Sa volonté était de faire quelque chose pour moi, de me laisser ne serait-ce que sa retraite", assure-t-elle aussi, quand la cour évoque un testament de Michel Knefel en sa faveur et des procurations sur ses comptes retrouvés sur elle. "Vous avez réponse à tout !", ironise à plusieurs reprises l'avocate générale Annie Brunet-Fuster à l'adresse de l'accusée, qui encourt la réclusion criminelle à perpétuité pour avoir, selon l'accusation, "volontairement administré des substances nuisibles" à deux retraités et en avoir tué deux autres, Francesco Filippone et Michel Knefel.
"Des amis très chers". Interrogée par Annie Brunet-Fuster, elle évoque ses relations avec eux : "Je ne vais pas dire que c'était de l'amour, c'était de l'amitié profonde. C'étaient devenus des amis très chers". L'avocate générale ne laisse pas passer l'occasion : "Très chers, dans tous les sens du terme". Les réquisitions sont attendues jeudi.