Un homme a été condamné lundi à Paris à deux ans de prison avec sursis dans un dossier de "revenge porn", après avoir envoyé des mails contenant des photographies dénudées de l'une de ses employées, avec qui il avait eu une relation. Le tribunal n'a pas accepté de requalifier les faits en harcèlement. Au-delà de la peine prononcée, c'était tout l'enjeu de ce procès pour la victime, qui avait réclamé cette requalification.
L'affaire a débuté en juin 2019 : alors que la directrice des ressources humaines (DRH) d'une entreprise de conseil en ingénierie vient d'accepter un poste dans un autre groupe, un appel anonyme et trois emails annoncent sa relation adultère avec son patron, de 2017 à 2019, à son mari, qu'elle avait déjà mis au courant, et à son entourage.
2.000 personnes ont reçu des mails
Puis, entre septembre et novembre, près de 2.000 personnes ont reçu des mails, explique l'avocat de la plaignante, Me Vincent de La Morandière. Des photos de la victime dénudée, des messages soi-disant écrits par les enfants du couple, deux filles de 8 et 10 ans, relatant l'adultère, et d'autres accusant le mari d'avoir un comportement violent avec ses enfants. Les emails ont été envoyés aux anciens et aux nouveaux collègues de la DRH, aux parents d'élèves de l'école des enfants, au catéchisme, etc…
Le parquet avait requis en janvier trente mois de prison avec sursis contre le prévenu, qui a changé de poste après cette affaire et qui est aujourd'hui directeur général d'un grand groupe d’ingénierie. "C'était plus fort que moi", avait-il déclaré lors du procès, invoquant une crise de folie dépressive provoquée par sa rupture avec la victime. "Ce qui m'aidait à tenir, c'est qu'elle partage ma douleur".
"Il a voulu me détruire personnellement et professionnellement", a dit à l'AFP la victime après le délibéré. "Ça a été insupportable pour cet homme tout puissant d'avoir une femme qui a lui dit 'non'. C'est d'ailleurs quand j'ai dit 'non, c'est fini' que tout a commencé."
Une autre procédure engagée ?
"Je suis DRH et je connais très bien la définition juridique du harcèlement", a poursuivi la plaignante à la sortie du tribunal. "Qu'est-ce qui fait que je tiens bon, aujourd'hui ? Mon mari est à mes côtés et mon employeur actuel m'a soutenue. Mais je suis détruite de l'intérieur. J'ai failli mettre fin à mes jours plusieurs fois à cause de cette affaire. Voilà ce qui se passe, pour la journée des droits des femmes."
Désormais, l'avocat de la victime envisage de ne pas en rester là. "L'accusé a été reconnu coupable d'une série d'infractions : violation de correspondance, intrusion dans un système automatique de données… Mes clients ont un sentiment de justice inachevée puisque la demande de requalification en faits de 'harcèlement' n'a pas été reconnue à ce moment-là. Ça nous laisse donc d'autres possibilités procédurales, que l'on va apprécier dans les prochains jours." Me Vincent de la Morandière compte donc engager une nouvelle procédure, cette fois sous la qualification de 'harcèlement'. Un mot symbolique que la victime aimerait entendre prononcé par la justice.