Peut-on étudier librement les influences de mouvements islamistes en France ? C'est la question que pose Florence Bergeaud-Blackler ce jeudi sur Europe 1. Chercheuse au CNRS et auteure du livre Le Frérisme et ses réseaux, l'anthropologue subit, depuis la publication de ses recherches, des pressions de la part d'internautes sur les réseaux sociaux, mais aussi au sein du monde universitaire qu'elle côtoie. Sa conférence sur les influences du frérisme, mouvement islamiste issu de l’internationalisation du mouvement des Frères musulmans, a été suspendue "pour des raisons de sécurité" sans que l'intéressée ne soit mise au courant ; avant d'être reprogrammée.
On m'informe que la doyenne de la Faculté de Lettres de la Sorbonne a demandé la "suspension" de ma conférence sur le frérisme qui devait se tenir le 12 mai pour des raisons de "sécurité".
— Florence Bergeaud-Blackler (@FBBlackler) May 9, 2023
Elle ne m'a pas contactée.
Il n'y a pourtant eu aucune manifestation contre l'événement. pic.twitter.com/WzZkchvrA0
"Beaucoup plus grave qu'un renoncement"
Le contexte questionne, et la spécialiste ne se sent pas soutenue. Menacée de mort, elle est depuis placée sous protection policière. "Je n'ai reçu d'appels ni de la ministre de l'enseignement supérieur, ni du CNRS ni de mon laboratoire. Mais je reste combative, je suis tout à fait consciente des travaux que je mène et que j'assume de A à Z. Mes livres ne sont pas des dénonciations, ce sont des démonstrations", se défend Florence Bergeaud-Blackler au micro de Sonia Mabrouk.
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Les motifs de la suspension surprise de sa conférence restent flous et pour la chercheuse, ils cachent une autre réalité que la simple question de sécurité. "Je pense que c'est beaucoup plus grave qu'un renoncement, c'est une façon d'accréditer la thèse de mes contempteurs, des gens qui m'accusent d'islamophobie, de racisme avec des propos extrêmement violents. Suspendre ma conférence c'était quelque part leur donner raison", détaille-t-elle.
Elle dénonce de fait un manque de courage de ses collègues universitaires. "Ils me soutiennent mais du bout des lèvres. Donc il y a une certaine lâcheté dans le milieu de la recherche", regrette l'anthropologue. Elle souhaite pour autant continuer ses travaux et que la sécurité des chercheurs et des étudiants soit assurée. Sa conférence se tiendra finalement le 2 juin à la Sorbonne.