Choisir ses études et par conséquence son futur métier peut se révéler compliqué pour les lycéens de Terminal. Mais avec la procédure APB (Admission Post Bac), la démarche tourne parfois au cauchemar. Alors que les futurs bacheliers reçoivent en ce moment leur deuxième proposition pour ceux qui n'ont pas eu leur premier choix, un jugement du Tribunal administratif de Bordeaux, comme l'a repéré Libération, est passé relativement inaperçu. Il conclut pourtant et pour la première fois en l'illégalité du tirage au sort, utilisé comme dernier recours pour départager les candidats quand il n'y a pas assez de places. La procédure en elle-même ne reposerait même sur aucun fondement légal. Une brèche est-elle ouverte pour d'autres recours?
Que dit le Tribunal administratif de Bordeaux ? Le Tribunal administratif de Bordeaux juge ainsi dans une décision datée du 16 juin que "le principe du tirage au sort ne ressort d'aucun texte et apparaît en contradiction avec les principes figurant à l'article L.612-3 du code de l'éducation". Le recours avait été déposé par un élève, ancien joueur professionnel de basket, qui voulait s'inscrire en filière Staps (sport). Mais faute de place, l'université avait dû procéder à un tirage au sort. Pour le tribunal, le recteur de l'académie de Bordeaux a ainsi commis "une erreur de droit".
Pourquoi le tirage au sort ? Lorsque le nombre de candidats dépasse celui de places proposées, le recteur de l'académie tranche, après avis du président d'université, en fonction "du domicile, de la situation de famille du candidat et des préférences exprimées par celui-ci", selon l'article L.612-3. Le ministère de l'éducation a levé (un peu) le voile le 1er juin sur les règles du jeu. Ainsi, quand il n'y a pas assez de places, les élèves qui viennent de l'académie sont prioritaires. Si cela n'est pas suffisant, ceux qui ont choisi cette université en premier choix, le sont alors. Et si, enfin, il n'y a toujours pas assez de places, on procède par tirage au sort.
Quelles conséquences pour les autres candidats recalés ? Les conséquences de ce jugement sont potentiellement très importantes. L'association "Droits des lycéens" a déjà reçu une centaine de mails de futurs bacheliers qui demandent de l'aide pour faire un recours. Cette association, créée l'année dernière, se bat notamment pour obtenir le code source de l'algorithme d'APB qui va orienter les élèves vers telle et telle filière. Clément Baillon, le président et Augustin Ruggieri, son vice-président promettent d'aller jusqu'au tribunal pour obtenir ce fameux code source. "Le jugement de Bordeaux conforte toutes nos analyses", expliquent-ils à Europe 1. "La sélection devrait être précisée par un texte réglementaire mais il n'existe pas".
Car au-delà de la problématique du tirage au sort, c'est tout le système APB qui serait sans fondement légal. C'est ce qu'affirme maître Romain Foucard, l'avocat du jeune lycéen qui a gagné son procès à Bordeaux. "Ce jugement peut faire jurisprudence si l'éducation nationale n'adopte pas le cadre réglementaire nécessaire. Des bacheliers qui ont toujours rêvé de faire des recours pourront désormais le faire". L'avocat souligne aussi que le tribunal, et c'est un comble, s'est appuyé sur un rapport émanant de l'éducation nationale de janvier 2016 qui conclut que : "le guide d'admission 'post-bac'", dont se prévaut le recteur, ne constitue qu'une brochure d'information sans valeur juridique".
Que répond le ministère de l'Education ? L'association "Droits des Lycéens" a été reçue jeudi par un conseiller du ministère de l'Education. Selon elle, "c'était un peu un dialogue de sourds" : "Le conseiller a admis qu'il n'y avait pas de fondement légal à APB mais qu'en même temps, ça ne pouvait pas être illégal, bref, ça ne veut rien dire".
Contacté par Europe 1, le ministère de l'Education nationale semble très confiant et met en avant l'amélioration considérable d'APB d'une année sur l'autre. Concernant le tirage au sort, "même si ce n'est pas une solution optimale", le ministère souligne qu'il ne concerne qu'une petite minorité d'étudiants. "On n'a pas d'autres solutions, on a déjà créé beaucoup de places". Le ministère avait déjà pointé lors du dernier point presse que le nombre de filières où la question du tirage au sort se pose s'est considérablement réduit : 78 contre 189 l'année dernière. Enfin, concernant la légalité, le ministère est très clair : "Le TA, dans son arrêt n'a pas dit du tout que le tirage au sort était en contradiction avec les principes du L 612-3. Il a simplement dit que la décision du recteur s'appuyait sur une réglementation qui n'existait pas. C'est cette partie de l'arrêt que nous contestons en considérant que cette réglementation existe". Et de conclure : "Tout est ensuite affaire d'interprétation et de savoir ce qu'est une réglementation".